L’essentiel
- Les vêtements et les ossements du petit Emile, découvert en mars 2024 sur les hauteurs du Haut-Vernet, ont été « déplacés », a révélé le procureur de la République ce jeudi.
- Si les proches de l’enfant ont été libérés sans qu’aucune charge ne soit retenue contre eux, la piste intrafamiliale n’est pas totalement close.
- L’enquête se poursuit notamment sur le plan technique et scientifique. Quelque 55 millions de données de communication sont en cours d’analyse.
Les gendarmes ont désormais une certitude, et non des moindres, dans l’enquête sur la mort du petit Emile : le garçonnet de 2 ans et demi n’est pas décédé de froid ou de faim après s’être perdu dans les environs du Haut-Vernet en juillet 2023. « Les vêtements et ossements de l’enfant ont été transportés et déposés sur leur lieu de découverte peu de temps avant », a affirmé le procureur de la République d’Aix-en-Provence, Jean-Luc Blachon, lors d’une conférence de presse donnée ce jeudi, quelques heures après la fin de la garde à vue de quatre membres de la famille d’Emile Soleil – ses grands-parents, un oncle et une tante. « Il n’y avait pas de charges suffisantes pour conduire à une mise en examen quelconque », a insisté le magistrat.
L’enquête a pris un tournant décisif lorsque a été retrouvé, le 30 mars 2024, le crâne de l’enfant par une promeneuse. Et, environ 150 mètres plus loin, des vêtements lui appartenant, notamment un tee-shirt. Pendant plusieurs mois, une soixantaine d’expertises ont été menées : écologie médico-légale, entomologie funéraire, génétique… « C’est un travail colossal, insiste François Daoust, l’ancien directeur de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie (IRCGN). Cela signifie que chaque centimètre carré de tissu, chaque fibre a été analysée au microscope. Il en a été de même pour les ossements, leur état de décomposition et surtout la manière dont ils se sont décomposés sont étudiées. » Et les conclusions sont sans appel : les restes d’Emile ont été mis en scène.
« Stigmates d’un traumatisme violent »
Rapidement, les magistrats et les gendarmes de la section de recherche de Marseille avaient nourri des doutes sur la capacité d’un enfant de 2 ans et demi à parcourir 1,7 km sur un chemin escarpé. Les expertises sont venues confirmer leur scepticisme. L’analyse des ossements a démontré que le corps n’est pas resté au même endroit pendant tout le processus de décomposition. Il n’a pas non plus été enterré. Par ailleurs, « le crâne présente les stigmates d’un traumatisme violent », poursuit le procureur. Quant aux vêtements, ils ne portent pas de trace de décomposition. « Les expertises introduisent la probabilité de l’intervention d’un tiers dans la disparition et la mort d’Emile Soleil », résume le magistrat.
Il y a une semaine, décision est prise d’élargir l’enquête aux chefs « d’homicide volontaire » et « recel de cadavre ». Cela ne signifie pas, pour autant, que la mort de l’enfant n’est envisagée que sous le prisme du meurtre : choisir une qualification plus haute permet de donner plus de moyens aux enquêteurs. Ainsi, les pistes d’un homicide involontaire ou même d’un accident qu’on a cherché à dissimuler restent pleinement exploitées. « Ce qu’on sait aujourd’hui, c’est que l’enfant ne s’est pas retrouvé tout seul là où on l’a découvert. Le reste, on y travaille, insiste une source proche de l’enquête. L’hypothèse d’un homicide volontaire, c’est une parmi d’autres. Ce ne sont pas des mots en l’air, c’est une réalité. »
Un travail d’enquête colossal
Quid de la piste intrafamiliale ? Les quatre gardes à vue ont été levées dans la nuitaprès 46 heures, sans qu’aucune charge ne soit retenue. « Il devenait nécessaire de confronter, d’éclairer et de soumettre aux personnes les plus concernées par la disparition d’Emile les résultats issus de l’ensemble des investigations », a précisé le magistrat. Cette piste n’est pas pour autant totalement écartée.
Les déclarations des uns et des autres – y compris les mineurs qui ont fait l’objet d’auditions libres – vont être confrontées les unes aux autres, mais également aux éléments consignés au cours de l’enquête. « Ce n’est pas parce qu’on a auditionné la famille qu’on a délaissé la piste d’une intervention extérieure, on travaille en parallèle sur plusieurs hypothèses », précise cette source proche de l’enquête.
55 millions de données de communication en cours d’analyse
Où est mort Emile ? De quoi ? Une quinzaine d’enquêteurs restent pleinement mobilisés sur ce dossier ultra-sensible. Les investigations, notamment sur un plan technique et scientifique, se poursuivent à un rythme soutenu. Il y a d’abord ces deux véhicules saisis mardi au domicile des grands-parents qui sont en cours d’analyse. La jardinière saisie près de l’église du Haut-Vernet n’a, elle, rien révélé. Surtout, il y a ces 55 millions de données de communication à décortiquer. « Ce sont des données brut qu’il faut par la suite classer, identifier et ensuite géolocaliser. C’est un travail à la fois minutieux et colossal », précise François Daoust.
L’objectif est de tenter d’identifier si certaines lignes téléphoniques sont suspectes : parce qu’elles appartiennent à quelqu’un déjà connu pour des faits similaires ou parce que leurs trajets intriguent. « Il y a un questionnement sur le timing qui est central : on sait aujourd’hui que le corps a été gardé, déplacé. Comment a-t-il pu échapper à la vue de tous ? », poursuit l’ancien directeur de l’IRCGN. C’est l’énigme que cherche à dénouer les enquêteurs.





