Aérienne et chaloupée, la démarche d’Arielle Dombasle est reconnaissable entre mille. La Fontaine nous ôte les mots de la bouche : « Légère et court vêtue elle allait à grands pas ; Ayant mis ce jour-là, pour être plus agile, cotillon simple, et souliers plats. » Les années glissent sur elle. Aucune prise possible sur la muse du quart du siècle dernier et d’aujourd’hui. Toujours en avance sur son temps. On l’avait découverte dans Le Beau Mariage, en ingénue rohmérienne, et son pedigree au cinéma ne s’arrête pas là : elle a tourné avec les plus grands, de Robbe-Grillet à John Malkovich en passant par Claude Lelouch, Michel Houellebecq ou Pascal Thomas. Devant ou derrière la caméra.
Rien ne l’arrête. Ce n’est pas un hasard si elle confessera plus tard que les Correspondances de Baudelaire lui parlent tout particulièrement. Cette ode aux synesthésies faites de ces « longs échos qui de loin se confondent dans une ténébreuse et profonde unité ». Le rendez-vous a été donné à La Réserve, dans le 8e arrondissement. Cet écrin, longtemps propriété de Pierre Cardin, a vu défiler entre ses murs nombre de grandes figures de la vie artistique parisienne et même mondiale. Peintres, chanteurs, designers, couturiers… Un lieu idéal pour rencontrer une créative touche-à-tout, artiste pluridisciplinaire, singulier mélange de talents qui s’entremêlent : musique, cinéma, théâtre et chant.
La Sainte-Chapelle : la forme au service des sons
C’est donc bien elle qui nous sourit : même silhouette de nymphe qu’au cinéma, même gestes élégants, gracieux, presque graciles. Aujourd’hui, elle endosse le rôle de marraine d’un superbe festival de musique baroque, la troisième édition du festival Opéra Lyric & Co, à la Sainte-Chapelle, qui conjugue habilement compositeurs des siècles passés et artistes contemporains. Arielle Dombasle est la porte-parole idéale de cette parenthèse lyrique. Serait-elle celle qui réconcilie les Anciens et les Modernes ? Elle le concède avec un sourire : « D’une certaine manière, j’ai toujours fait ça : au conservatoire de musique, j’apprenais le bel canto, les musiques sacrées, et j’avais déjà des idées audacieuses pour l’époque, comme apposer de la musique électronique sur des morceaux de Bach, Rameau ou Purcell… J’aime particulièrement Purcell. Je chantais le “génie du froid” – qui a été popularisé par Klaus Nomi – dans des concerts de rock ! »
Les airs sacrés procurent des émotions très intenses
En effet, ses premiers albums, Liberta (2000) et Extase (2002), des airs audacieux sacrés de musique classique électro, raflent deux disques d’or : « Cela a plu, sans que les gens aient à analyser. » Une musique de l’instinct : « Finalement, toute l’histoire de la musique tient là-dedans : des rencontres incroyables. Lorsque les cuivres sont arrivés au Mexique, au XIXe siècle, avec l’empereur Maximilien, ils se sont fait une place dans la musique traditionnelle, indienne, de l’époque. Cela a totalement bouleversé la musique de ce pays. » Elle-même a grandi dans ce pays. Elle a été bercée au rythme d’influences très diverses, « déjà in utero », précise-t-elle.
Ce qui l’émerveille dans le monde de la musique, ce sont ces recherches formelles, une magie qui opère de façon mystérieuse. C’est cette magie qui est convoquée à la Sainte-Chapelle. Quel plus beau cadre que cette église, aux mille détails et mille sculptures, aux vitraux chamarrés à travers lesquels la lumière reflète une valse de touches de couleurs mouvantes ? « Une pure beauté », souffle la chanteuse. Dans ce lieu, les formes et les sons se répondent pour donner naissance à un « futur éternel », selon Yann Harleaux, le producteur du festival. Une façon de s’inscrire aussi dans un rapport au monde spirituel.
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Comment ne pas penser, en prenant place sur les bancs, aux centaines d’artistes et d’artisans dont les coups des outils résonnaient aussi, différemment, comme un cri vers l’au-delà ? Le Vendredi saint, le 18 avril, le chef-d’œuvre de Pergolèse, le Stabat Mater, cri déchirant de la Sainte Vierge au pied de la Croix, où son fils est crucifié, résonnera sous les croisées d’ogives. « Ces airs sacrés traversent des siècles de dévotion et procurent des émotions uniques très intenses. C’est magnifique », s’enthousiasme l’artiste.
Partager le trésor de la musique baroque
Pas seulement marraine, Arielle Dombasle mêlera sa voix aux mouvements du danseur et chorégraphe Yaman Okur, sur des airs, recomposés, de Vivaldi à Purcell, qu’elle affectionne tant. Les autres artistes se succéderont : la danseuse étoile Myriam Ould-Braham, mais également Mickaël Lafon, danseur à l’Opéra de Paris, la mezzo-soprano Marine Chagnon ou encore la pianiste Morgane Fauchois. Du classique, du baroque, du punk parfois : Monteverdi y est présenté comme le « rappeur du XVIIe siècle ». « Un aréopage de personnes et de talents et une conjugaisons des arts », résume la chanteuse. Toutes ces âmes, au service du beau, et de tous. C’est ce sur quoi insiste Arielle Dombasle.
Arielle Dombasle mêlera sa voix aux mouvements du danseur et chorégraphe
L’enjeu du festival consiste à embarquer le grand public, celui qui est friand de « grands airs, qu’il connaît ». Une façon d’approcher, sans impressionner. « On a tous entendu tel ou tel morceau de Bach ou de Beethoven au gré d’une publicité, ou écouté, suspendu au téléphone en attendant un conseiller France Travail qui tarde à répondre… Ces airs-là méritent d’être redécouverts à leur juste mesure. Et nous proposons également des airs moins connus. Car lorsque l’on pénètre dans un fragment de l’œuvre et que l’on est touché par sa beauté, on est prêt à s’ouvrir aux choses que l’on connaît moins. Et le répertoire de ces grands artistes est tellement vaste ! » À l’écouter parler ainsi, on ne souhaite qu’une chose : goûter, à sa suite, sa dévotion pour Bach, Haendel et Rameau qui, comme elle, traversent les époques, toujours à l’avant-garde et faisant leur le parti pris de Rimbaud : « Il faut être résolument moderne. »
Festival Opéra Lyric & Co. Du 30 mars au 1er mai, à la Sainte-Chapelle, Paris 1er. De 20 à 60 euros. Réservation par téléphone : 01 42 77 65 65, puis achat sur place.
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