
Un face-à-face tendu. Mercredi 2 avril, Philippe Delorme, secrétaire général de l’Enseignement catholique, a été auditionné par la commission d’enquête parlementaire sur « les modalités du contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires ». Aux manettes, le député LFI Paul Vannier, à l’origine de cette initiative, et la députée Renaissance Violette Spillebout. Initialement conçue pour se concentrer sur les établissements privés catholiques, dans le sillage de l’affaire Bétharram, l’enquête a finalement été élargie, à la demande de la commission, à l’ensemble du système scolaire. Un recentrage qui n’empêche pas, pour l’heure, une focalisation sur le privé sous contrat.
Publicité
La suite après cette publicité
Amorcées le 20 mars, les auditions se sont ouvertes sur les récits glaçants d’anciens élèves de huit établissements privés catholiques, révélant des faits de violences physiques et sexuelles. Philippe Delorme a tenu à réagir dès le début de son intervention : « On a trahi la promesse qu’on avait faite à ces jeunes, à leurs familles, de les aider à se construire humainement et dans toutes leurs dimensions, et au lieu de cela, nous les avons détruits, marqués à vie par des sévices inacceptables. Donc, nous sommes déterminés à tout mettre en œuvre pour que plus jamais de tels actes puissent se produire. » Son audition s’est poursuivie dans un climat de tension palpable avec Paul Vannier, opposant déclaré à l’enseignement privé.
Les inspections manquent à l’appel
Premier point : le contrôle par l’État des établissements catholiques sous contrat. Philippe Delorme s’est déclaré pleinement favorable aux inspections, même inopinées et dans les internats. Mais Vannier a pointé une certaine ambiguïté, citant un courrier du 29 novembre 2024 dans lequel Delorme qualifiait un projet de guide ministériel de « Manuel de l’inquisiteur ». Il s’est justifié : « La tonalité de ces fiches semblait partir du postulat qu’il fallait obligatoirement déceler des dysfonctionnements dans nos établissements », avant d’ajouter que « nous n’écririons pas forcément la même chose aujourd’hui ». Mais Delorme a réaffirmé que le contrôle de l’État était « indispensable », soulignant que s’il avait longtemps fait défaut, cela n’était « pas [leur] fait ».
Seuls 450 signalements sur 32 000 y seraient liés
Un constat partagé par le député RN Roger Chudeau, ancien inspecteur général de l’Éducation nationale et membre de la commission d’enquête : « Les corps d’inspection se sont prioritairement concentrés sur l’enseignement public, estimant que c’était leur mission principale. En pratique, le privé passait souvent après, dans le calendrier et la répartition des inspections. Résultat : des établissements comme Bétharram n’ont pas vu un inspecteur depuis trente ans, ce qui est aberrant. »
Un système défaillant
Autre point central de l’audition : les procédures de signalement des violences. Le 21 mars, Élisabeth Borne avait annoncé l’extension de l’application Faits établissement aux établissements privés. Philippe Delorme a tenu à rappeler que l’enseignement catholique n’avait pas attendu cette initiative : « Depuis 2018, nous avons mis en place un programme de protection des publics fragiles, tant sur le plan de la prévention que du signalement. » Interrogé sur sa mise en œuvre dans l’ensemble des établissements, il a rappelé que chacun disposait d’une certaine autonomie, tout en précisant qu’il appartenait aux autorités de tutelle de s’en assurer. Violette Spillebout a toutefois pointé des remontées très inégales sur le terrain – constat que le secrétaire général a reconnu.
La suite après cette publicité
« Le système actuel de signalement et de protection contre les abus et les mauvais traitements est manifestement insuffisant et défaillant », abonde Roger Chudeau. Selon le député, si l’application Faits établissement permet de signaler des incidents dans les écoles, elle ne distingue pas clairement les violences sexuelles, et aucun dispositif n’est véritablement prévu pour assurer le suivi des signalements : ni cellule dédiée dans les rectorats, ni coordination effective avec la justice ou la protection de l’enfance. Quant au 119, censé recueillir la parole des victimes, il reste marginalement utilisé dans le cadre scolaire – seuls 450 signalements sur 32 000 y seraient liés, selon ses responsables auditionnés par la commission. Il reste, à l’évidence, beaucoup à faire.
Source : Lire Plus





