Censée encadrer une aide à mourir, la proposition de loi relative à la fin de vie masque une réalité autrement plus alarmante : celle d’un dispositif précipité, juridiquement flou, potentiellement funeste pour les plus vulnérables d’entre nous. Elle ne protège pas, elle expose ; elle ne soigne pas, elle élimine. Sous un vernis compassionnel, c’est un basculement éthique radical qui s’opère, au mépris des plus fragiles et des fondements du soin.
Ce texte introduit l’euthanasie et le suicide assisté dans le code de la santé publique, les érigeant au rang de « soins ». Une rupture inédite avec la vocation du soin, qui est de soulager, d’accompagner, de préserver la vie – non d’y mettre fin. Cette redéfinition brutale mine la confiance entre soignants et patients ; elle bouleverse notre éthique médicale collective – aucun pays n’a imaginé une telle confusion.
La loi ouvre la mort provoquée à toute personne atteinte d’une affection grave et incurable, en phase avancée ou terminale, éprouvant une souffrance jugée « insupportable ». Ces notions sont floues, sans critères médicaux établis ; cette imprécision ouvre la voie à des dérives graves. Selon une lecture médicale stricte des critères, plus d’un million de personnes pourraient être éligibles à la mort provoquée : malades chroniques, psychiatriques, personnes âgées… Le vertige est réel.
Avec cette loi, obtenir la mort sera plus simple qu’obtenir un soin. Il ne faudra ni demande écrite, ni procédure collégiale, ni évaluation psychiatrique préalable. Une simple demande orale, sans témoin, adressée à un « médecin indéfini » pourra suffire. Le second avis médical ne sera pas contraignant et pourra être rendu à distance. Aucun devoir d’information ou de consultation des proches n’est prévu. Le délai prévu pour obtenir la mort – quinze jours – est dérisoire. Est-ce ainsi que l’on garantit un choix libre et éclairé ?
Où est le respect de ceux qui accompagnent la vie avec engagement et humanité ?
Prévoir d’autoriser l’homicide médicalisé avec une procédure aussi expéditive, dans un système de santé déjà à bout de souffle, c’est exposer patients et proches à des risques majeurs. Le consentement éclairé devient un concept vide, indigne de la gravité de l’enjeu. Les soignants seront placés dans une position intenable. Derrière la clause de conscience se cache une obligation très coercitive d’organiser l’acte létal dans les murs des établissements. Un « délit d’entrave » menacera pénalement ceux qui tentent de « dissuader » d’avoir recours à la mort provoquée. Quant aux pharmaciens, ils devront délivrer les produits sans pouvoir s’y opposer. Où est la liberté de conscience ? Où est le respect de ceux qui accompagnent la vie avec engagement et humanité ?
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L’acte létal pourra être pratiqué à domicile, à l’hôpital, en Ehpad, ou partout ailleurs, sans encadrement clair. Le contrôle ne viendra qu’après la mort, sur la base de simples déclarations. Les proches ne seront ni informés ni consultés. Ils ne pourront pas former de recours contre les décisions autorisant l’accès à la mort. Certains découvriront que leur proche est mort d’une injection létale sans avoir pu dire adieu. Ce n’est pas une société humaine que nous dessinons, mais une société de solitude et de silences.
Ce projet de loi, mal préparé et mal encadré, précipite la France dans un changement de paradigme sans débat à la hauteur de son enjeu civilisationnel. Il n’instaure pas un droit nouveau, il crée un vide. Ce n’est pas une loi visant des situations exceptionnelles : c’est un basculement éthique majeur.
*Laurent Frémont et Emmanuel Hirsch, cofondateurs du collectif Démocratie, Éthique et Solidarité.

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