
« Sur les retraites, le statu quo est impossible. » L’avertissement, signé Pierre Moscovici, est clair. Il s’adresse aux partenaires sociaux restés dans le conclave. Ces derniers ont la lourde responsabilité d’un accord permettant un retour à l’équilibre financier durable du système de retraites. L’autre destinataire de ce message, c’est bien entendu le Premier ministre François Bayrou : si les partenaires sociaux réussissent à trouver un chemin de crête vers l’équilibre, il devra tout faire pour s’assurer que l’accord ne soit pas dénaturé par l’Assemblée nationale, minée par les divisions entre les partisans du retour à 62 ans, le RN et la gauche. Et les membres du socle commun (LR et la Macronie) qui acceptent de voir la réalité en face : avec le basculement démographique qui a fait baisser drastiquement le ratio de cotisants par retraité, le régime est structurellement déficitaire.
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L’abrogation n’est pas une option. Le statu quo non plus. Aussi vertigineux que cela puisse paraître, la réforme adoptée au forceps en 2023 est déjà anachronique. Face au basculement démographique (le ratio cotisants/pensionnés était de 4 pour 1 dans les années 1960, contre 1,7 pour 1 actuellement) et au poids croissant des dépenses de retraite (15 % du PIB, soit 340 milliards d’euros en 2025), la seule réforme structurelle du deuxième quinquennat Macron apparaît pour ce qu’elle est : quasiment une mesurette, tant ses effets sont limités. L’âge effectif moyen de départ à la retraite, variable qui influence à la hausse le taux d’emploi des seniors et rapporte ainsi des cotisations supplémentaires dans les caisses du régime, n’aura progressé que de six petits mois. Son effet sur les finances du système est négligeable : après un retour furtif à l’équilibre, le déficit est attendu à 6,6 milliards d’euros dès cette année. À système inchangé, la Cour des comptes estime que le trou atteindra 15 milliards d’euros par an en 2035. Puis le double, dix ans après.
Le plus saisissant, c’est que l’équilibre n’est pas non plus possible avec de nouvelles mesures d’âge. La Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) a testé deux scénarios à la demande du conclave. Un âge de départ reporté rapidement à 65 ans : le régime général dégagerait un léger excédent en 2030, avant de replonger durablement pour atteindre un déficit de 15 milliards d’euros par an, en 2040. En décalant l’âge de départ jusqu’à 66 ans, mais à un rythme plus progressif, le régime approcherait l’équilibre en 2040, avant une nouvelle bascule dans le rouge : 8 milliards d’euros de déficit en 2045.
Pierre Moscovici prône la flexibilité sur l’âge de départ
Pour autant, les mesures paramétriques (de report d’âge ou de durée de cotisation pour une retraite à taux plein) restent des leviers à ne pas négliger. Les dernières en date (Woerth 2010, Touraine 2014, Borne 2023) ont toujours entraîné une hausse du taux d’emploi des actifs (un peu plus de 68 %, contre 70 % en moyenne dans la zone euro), en particulier chez les seniors, et repoussé l’âge effectif moyen de départ à la retraite (qui devrait atteindre 64 ans en 2030). Ce qui limite le déficit de cotisations versées par rapport aux pensions que reçoivent les 17 millions de retraités français. Selon Pierre Moscovici, c’est « l’effet horizon », c’est-à-dire le temps restant avant l’âge légal de départ qui influence le comportement des actifs en fin de carrière (recherche d’emploi, formation…) et celui des entreprises (demande de travail).
Inspiré par nos voisins, Pierre Moscovici prône la flexibilité sur l’âge de départ. « Il n’y a pas une grande réforme qui résoudra le problème, ça n’existe pas », a-t-il insisté en conférence de presse. L’ancien ministre de l’Économie propose une approche pragmatique qui s’inspire de celle de certains de nos voisins européens, consistant à réévaluer régulièrement la borne d’âge en fonction de l’espérance de vie à la retraite. Selon la Cour des comptes, cette logique vaut aussi pour les pensions et les cotisations. En fonction de critères démographiques et économiques, leur niveau pourrait être régulièrement ajusté, de façon à assurer la soutenabilité du régime par répartition.
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Puisque l’âge et la durée de cotisation ne suffisent pas, la Cour des comptes suggère d’autres pistes pour résorber le déficit du régime. Comme celle qui conduirait à réviser la loi prévoyant l’indexation automatique des pensions sur l’inflation. « Ce mécanisme n’est plus adapté pour assurer l’équilibre durable du système », estime Pierre Moscovici. C’est flagrant en cas de choc inflationniste comme celui que la France a récemment traversé. En janvier 2024, les pensions de retraite ont été revalorisées de 5,4 %, ce qui a engendré une facture absolument délirante pour l’État : 14 milliards d’euros !
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