Les Français lisent de moins en moins. L’étude du Centre national du livre est implacable, la part de lecture baisse inexorablement pour atteindre son niveau le plus bas depuis dix ans. Puisque vous lisez ces lignes, vous appartenez à cette catégorie qui résiste envers et contre tout : bravo à vous ! Paradoxalement, ceux qui se détournent de la lecture ne sont pas les plus jeunes, tenus à cet exercice dans le cadre scolaire. Non, tenez-vous bien, c’est dans la catégorie des 50-64 ans que l’on enregistre le plus fort décrochage. Et pire encore chez les plus de 65 ans qui désormais lisent dix-huit livres par an quand ils en consommaient vingt-six il y a deux ans.
La raison de ce désamour ? Les écrans. Faisons un petit test : n’avez-vous pas votre téléphone portable à quelques centimètres de votre JDNews en ce moment ? Si ? Cela ne m’étonne pas. C’est l’élément qui perturbe le plus la lecture et qui nous pousse à nous interrompre régulièrement pour vérifier nos messages ou jeter un œil sur les réseaux sociaux.
« Que dire d’une société qui se détourne de la lecture pour s’abreuver de vidéos ? »
On estime qu’un lecteur sur trois fait autre chose pendant qu’il lit. En cumul, les Français passent trois heures et demie par jour devant leurs écrans, la même durée devant un livre mais sur une semaine ! Et si nous continuons à écrire, c’est le plus souvent par le biais d’un clavier plutôt qu’avec un stylo à la main.
La civilisation judéo-chrétienne est une civilisation du livre. Certes les Évangiles ont utilisé les paraboles pour faire entrer le récit dans l’écrit. Mais sur le plan anthropologique, l’écriture a propulsé l’humanité dans une nouvelle ère en se substituant à l’oralité, la culture des conteurs et des mythes. Socrate dédaignait l’écrit et estimait que la philosophie résidait dans le dialogue avec ceux qui venaient à lui, or nous ne pouvons bénéficier de son enseignement que parce qu’il a été transcrit. L’Iliade et l’Odyssée existaient d’abord en tant qu’épopées avant d’être manuscrits.
Alors que dire d’une société qui se détourne de la lecture pour s’abreuver de vidéos se déversant en un flot ininterrompu via Internet et les réseaux sociaux ? Faut-il immédiatement conclure au déclin, à l’abêtissement des nouvelles générations qui rédigent leurs dissertations à l’aide de l’intelligence artificielle ? C’est un risque évidemment. Les bibliothèques peu à peu remplacées par les médiathèques, Hugo s’effaçant derrière les mangas, Homère sombrant face aux supports numériques.
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Le règne dévorant des IA avec lesquelles nous pouvons parler, jouer aux échecs et bien sûr auxquelles nous pouvons dicter un texte qui sera traduit instantanément dans toutes les langues. Quel impact sur nos capacités cognitives ? À quel moment allons-nous entrer dans la phase de transhumanisme que nous promettent les implants cérébraux d’Elon Musk et d’autres entreprises de neurotechnologie ? Les enjeux sont vertigineux.
Nous sommes sans doute à un point de bascule. Derrière l’effondrement de la lecture se profile aussi la fin de l’écriture cursive. Dans vingt ans, nos enfants sauront-ils encore tracer des lettres et des majuscules, faire des pleins et des déliés sur leurs cahiers ? Et si non, faut-il vraiment s’en alarmer ? De Gutenberg à Neuralink, l’humanité devra s’adapter pour survivre.
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