Une vague d’attaques frappe les prisons françaises depuis quatre nuits. Au moins huit établissements pénitentiaires, de Toulouse à Marseille en passant par Bordeaux et Nanterre, ont été la cible d’incendies de véhicules et de dégradations diverses. Des individus ont même tiré à l’arme automatique sur la porte de la prison de Toulon-La Farlède, dans le Var.
Parallèlement, des surveillants ont été visés à leur domicile. Dans la nuit du lundi 14 au mardi 15 avril, à Marseille, des véhicules ont été tagués, et un autre incendié, sur le parking d’une résidence occupée majoritairement par des agents pénitentiaires. De mardi à mercredi, un autre feu s’est déclaré dans le hall d’un immeuble où réside un agent de la prison de Meaux-Chauconin-Neufmontiers, en Seine-et-Marne. Mardi, le parquet national antiterroriste s’est saisi de l’enquête.
Dans ce contexte, les professionnels du secteur pénitentiaire, qui pâtissent déjà d’un manque d’effectifs et de moyens et de la violence récurrente des détenus, se montrent plus inquiets que jamais. « Ils sont choqués par cette situation », déplore au JDD Michaël Dos Santos, secrétaire général de la région Paris et Île-de-France de la CGT Pénitentiaire. Les atteintes à l’encontre des gardiens de prison ne sont « pas récentes », mais les craintes grandissent ces derniers jours. « Maintenant, cette insécurité nous poursuit jusque dans nos foyers. Nos femmes, nos maris, nos enfants en sont directement les victimes », dénonce Wilfried Fonck, secrétaire national de l’UFAP UNSa Justice, qui pointe une « stupéfaction » face à des individus « bien organisés et capables de se projeter à différents endroits du territoire ».
« On va toujours plus loin dans la violence »
Le syndicaliste poursuit auprès du JDD : « La plupart travaillent déjà avec la boule au ventre. C’est une source supplémentaire de stress. On va toujours plus loin dans la violence. » Certains se demandent d’ailleurs s’ils vont pouvoir continuer à travailler dans ces conditions. « Pour ce que je gagne par mois, est-ce que je vais continuer ce travail sachant que je mets en péril ma famille, ma maison, ma voiture ? », s’interrogent certains fonctionnaires, selon Wilfried Fonck.
Qui se cache derrière ces attaques ?
Une nouvelle menace vient-elle s’ajouter à celles qui pèsent déjà sur les gardiens de prison ? Un mystérieux groupe du nom de « Défense des prisonniers français » a laissé entendre qu’il était à l’origine des attaques perpétrées ces derniers jours. Le sigle DDPF a en effet été tagué sur plusieurs établissements pénitentiaires, ainsi que dans le hall d’immeuble du fonctionnaire ciblé à Meaux. Sur Telegram, ce groupe se définit comme un « mouvement dédié à dénoncer les atteintes à nos droits fondamentaux auxquelles le ministre Gérald Darmanin compte porter atteinte » et n’hésite pas à menacer les gardiens de prison.
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Pourrait-il s’agir d’une riposte face à la lutte acharnée du gouvernement contre le narcotrafic, et en particulier face à la création d’un nouveau régime de détention plus strict dans des quartiers de haute sécurité pour les plus gros trafiquants ? Vendin-le-Vieil, dans le Pas-de-Calais, et Condé-sur-Sarthe, dans l’Orne, deviendront en effet les premières super-prisons. « La République est confrontée au narcotrafic et prend des mesures qui vont déranger profondément les réseaux criminels », a d’ailleurs prévenu le garde des Sceaux sur X.
« On entendait des bruits de couloir comme quoi le projet de Gérald Darmanin dérangeait les narcotrafiquants. C’était un sujet de discussion entre détenus », souffle au JDD Ivan Gombert, secrétaire national FO directeur de prison. Sans pouvoir s’attaquer au garde des Sceaux, les fauteurs de troubles s’en seraient ainsi pris « aux agents pénitentiaires ».
Le procureur national antiterroriste, Olivier Christen, reste toutefois prudent. « Ce qui est important de retenir à cette heure, c’est qu’il n’y a pas de piste qui soit privilégiée », assure-t-il ce jeudi au micro de franceinfo, précisant qu’il n’y a « pas eu d’arrestation, ni de ciblage spécifique de profils ».
Des demandes enfin entendues
L’UFAP UNSa Justice réclame les mêmes mesures depuis des dizaines d’années : « Sécuriser les détentions et les abords des établissements », rappelle Wilfried Fonck. Pour Ivan Gombert, le plan de Gérald Darmanin pour endiguer le problème du narcotrafic va dans le bon sens. « Ce sont des demandes que l’on fait depuis des années », souligne-t-il, en se montrant également favorable aux prisons de haute sécurité. « Les narcotrafiquants pourrissent les détentions. Ce sont eux qui pilotent tout », évoquant le cas d’individus qui étaient payés pour se faire incarcérer et y agresser d’autres détenus.
« J’espère que le ministre de la Justice fera le nécessaire pour nous mettre en sécurité. Les mesures doivent être sécuritaires avec un renforcement des prisons en difficulté », reprend Michaël Dos Santos. Cette requête semble elle aussi avoir été entendue. En effet, les ministères de l’Intérieur et de la Justice ont envoyé un télégramme adressé aux préfets, au préfet de police et au directeur de l’administration pénitentiaire, qu’a pu consulter France Info. Dans ce message, Gérald Darmanin et son collègue de l’Intérieur, Bruno Retailleau, ont appelé à « renforcer sans délai la surveillance et la protection » des prisons et de leurs personnels.
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