
Il aura traversé la Méditerranée, embrassé Marseille, salué Strasbourg, foulé le tarmac d’Ajaccio. Mais jamais, en douze années de pontificat, le pape François ne mit le pied à Paris. Une absence remarquée, presque voulue, comme un choix de géographie spirituelle. Non par hostilité, mais par cohérence. En refusant jusqu’au bout de visiter la capitale française, le souverain pontife a dit quelque chose de son rapport au pouvoir, à la modernité occidentale, et à cette Église de France qu’il jugeait parfois trop cérébrale et pas assez évangélique.
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En décembre 2024, la réouverture de Notre-Dame de Paris, cinq ans après l’incendie, devait être l’occasion d’un retour solennel du catholicisme au cœur battant de la République. Emmanuel Macron l’y avait personnellement convié. Le Vatican déclina poliment. Une semaine plus tard, le pape choisissait la Corse. Ajaccio, ses églises baroques, sa piété populaire, ses chants sacrés, sa foi sans apprêt. Dans le silence discret d’une rencontre avec le président français sur le tarmac de l’aéroport, François traçait à sa manière les contours d’une Église qui préfère les périphéries aux centres, les marges aux institutions.
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Ce n’était pas la première fois. Dès 2014, il avait évité Paris en se rendant à Strasbourg pour s’exprimer devant le Parlement européen. En 2023, il avait choisi Marseille pour évoquer les drames de la Méditerranée, dénonçant « l’indifférence devenue normalité ». Chaque étape fut soigneusement pensée. À chaque fois, la France était là, mais Paris, non. Une absence géographique devenue, au fil des ans, une métaphore : celle d’un pape rétif aux symboles de pouvoir, et d’une Église française perçue comme distante, un peu mondaine, trop souvent enfermée dans le débat culturel.
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Son rapport à la France fut paradoxal. Il la respectait mais il ne la comprenait pas toujours
Loin d’être un camouflet, ce refus de Paris fut une forme de fidélité à sa vision : une Église « en sortie », modeste, décentrée. François n’aimait pas les grandes messes médiatiques. Il aimait les gestes sobres, les lieux de prière modestes, les peuples discrets. Il se méfiait des capitales et de leurs tentations de grandeur. À ses yeux, la foi ne se mesure pas à l’aune des cathédrales restaurées, mais dans la ferveur d’une procession en bord de mer ou dans le silence d’un hospice.
Son rapport à la France fut paradoxal. Il la respectait, la lisait, la connaissait bien — mais il ne la comprenait pas toujours. La laïcité à la française, cette religion sans Dieu, lui semblait opaque. Il en percevait les rigidités, les crispations, les contradictions. D’où peut-être son choix de la contourner sans l’affronter. De s’adresser aux Français sans passer par Paris. De parler au pays réel, plus qu’au pays officiel. François ne sera donc jamais monté à Notre-Dame. Mais il aura, à sa manière, esquissé une autre carte du catholicisme français.
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