Il parlait souvent de « troisième guerre mondiale par morceaux ». C’était l’un de ses leitmotivs. Le pape François, disparu le 21 avril à l’âge de 88 ans, n’aura cessé d’alerter sur l’embrasement progressif de la planète, d’Haïti au Soudan, du Haut-Karabakh à l’Ukraine. Dans ce chaos globalisé, le chef de l’Église catholique tenait sa ligne : celle d’un refus obstiné de la violence, parfois à contre-courant des puissances établies. Une voix solitaire. Une voix morale. Mais une voix de moins en moins écoutée.
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Dès le début de la guerre en Ukraine, en février 2022, François avait surpris. Il condamnait l’invasion, certes, mais refusait de nommer explicitement Vladimir Poutine. Il condamnait les « logiques de blocs », appelait à « ne pas souffler sur les braises », et plaidait pour la diplomatie quand la plupart des chancelleries parlaient d’envoi de chars. Cette posture lui valut des critiques en Europe de l’Est, mais aussi un respect tenace chez certains diplomates. Il fut, rappelons-le, l’un des seuls dirigeants religieux à être régulièrement sollicité par les deux camps. Le patriarche Kirill d’un côté, Volodymyr Zelensky de l’autre. Le Vatican, sous François, conserva ce rare privilège : pouvoir parler à tout le monde.
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Même tonalité sur le Proche-Orient. Après les massacres du 7 octobre, le pape s’indigna du sort des otages israéliens… et de celui des civils palestiniens. Une double parole que d’aucuns jugèrent trop prudente, voire ambiguë. Mais elle obéissait à une ligne : ne jamais hiérarchiser les souffrances. À Rome, on parle encore de sa prière silencieuse, en 2014, dans les jardins du Vatican, avec Shimon Peres et Mahmoud Abbas. Une image. Une méthode. Et souvent, hélas, un isolement.
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À mesure que son pontificat avançait, il s’exprimait davantage… et était moins entendu.
Plus récemment, François s’est intéressé au conflit oublié du Haut-Karabakh. Il a reçu des délégations arméniennes, alerté sur les risques d’épuration culturelle, sans pour autant peser réellement sur le cours des événements. Le Saint-Siège, sous son pontificat, aura su garder un cap : parler pour les faibles, même quand cela dérange. Mais il n’a jamais retrouvé l’influence diplomatique des années Jean-Paul II.
Il faut dire que le monde a changé. Moins sensible aux appels du Vatican. Moins structuré autour de figures d’autorité morale. François, lucide, en faisait le constat. À mesure que son pontificat avançait, il s’exprimait davantage… et était moins entendu. Reste l’intention. L’obsession de la paix. Dans un monde saturé de calculs et de rapports de force, il aura incarné — parfois maladroitement, souvent sincèrement — la persistance d’un discours éthique. Une parole fragile, mais nécessaire. Et peut-être, dans cette époque qui ne croit plus aux miracles, la dernière prière d’un pape devenu, à sa manière, prophète.
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