Le JDD. Bvlgari inaugure de nouveaux ateliers de fabrication sur son site de la Manifattura, est-ce à dire que la joaillerie de luxe se porte bien ?
Jean-Christophe Babin. Lorsque LVMH a racheté Bvlgari, entreprise familiale, il y a quatorze ans, la joaillerie représentait un peu plus de 50 % de son activité. Cette part a augmenté depuis. Notre stratégie est de renforcer sa reconnaissance à la fois comme marque joaillière et horlogère, et accessoirement, comme parfumeur et fabricant de cadeaux d’hospitalité – objets de décoration, accessoires – très haut de gamme. Bvlgari accueille dans une quinzaine d’hôtels, parmi les plus prestigieux du monde, sur les cinq continents, une clientèle qui a vocation à prolonger son expérience dans la haute joaillerie. C’est ce qui motive une approche industrielle ambitieuse et offensive.
De deux petites manufactures rachetées par la famille Bvlgari dans les années 1990, dans la région de Valenza, nous nous sommes développés en 2017 avec l’ouverture de la Manifattura, avec 650 employés, et on inaugure aujourd’hui une nouvelle extension. De 1 100 employés et artisans, nous prévoyons la création de 500 emplois supplémentaires d’ici 2029.
Comment se répartit votre activité entre « joaillerie du quotidien » et « très haute joaillerie » avec des pièces d’exception ?
Nous sommes identifiés sur un secteur très haut de gamme qui représente une part très importante de notre business, une source de profit très dynamique. De façon générale, Bvlgari est monté en gamme. Notre modèle repose sur une imbrication entre la joaillerie du quotidien, fabriquée à Valenza, les bracelets Serpenti, les pendentifs Divas’ Dream ou les bijoux B.Zero1, qui ensuite basculent sur des déclinaisons de haute joaillerie fabriquées à Rome.
La suite après cette publicité
Comment définiriez-vous l’identité de Bvlgari, ce qui en fait une marque de joaillerie à part ?
Bvlgari est une inspiration qui vient de Rome et de l’Antiquité méditerranéenne. Nos icônes sont le miroir de la ville, B.Zero1 reprend le Colisée, Divas’ Dream, un motif élégant inspiré des mosaïques des thermes de Caracala, et Serpenti est inspiré de Cléopâtre. Les orfèvres romains, fascinés par ses magnifiques bracelets en or en forme de serpent, s’en sont inspirés pour créer Serpenti, que toutes les femmes romaines ont arboré à leurs poignets. Aujourd’hui, Serpenti peut être une bague à 4 000 euros, mais aussi un collier de haute joaillerie à un million et demi d’euros. À côté de ces icônes, Bvlgari crée des bijoux qui gardent comme fil conducteur la romanité et la Méditerranée, qui s’expriment dans la puissance du design.
« Bvlgari est une inspiration qui vient de Rome et de l’Antiquité méditerranéenne »
Quel est le modèle de croissance de Bvlgari ? De nouveaux marchés à conquérir pour la joaillerie « du quotidien » ou la recherche du toujours plus cher et prestigieux ?
Les deux. La joaillerie mondiale est un marché immense dont les grandes marques, Tiffany, Bvlgari, Chaumet, Cartier… ne couvrent que 20 %. Les 80 % restants reviennent à des acteurs régionaux parfois très puissants, comme en Chine, par exemple Qeelin ou Feng J, ou en Inde, des joailliers qui, de père en fils, fournissent des familles aisées. À l’inverse, le marché des montres de luxe est détenu en totalité par 100 % des marques globales. Dans la haute joaillerie, nous avons une grande partie du marché encore à conquérir. Concernant la très haute joaillerie, le nouvel Eldorado, c’est l’Inde.
Bvlgari reste associé à de la joaillerie féminine, les hommes sont-ils à conquérir ?
La joaillerie, souvent, c’est une histoire de couple. Même si depuis trente ans, l’un de nos vecteurs de croissance est celui de femmes indépendantes qui ont réussi et s’achètent seules des bijoux pour se faire plaisir, comme elles choisiraient un sac. Mais le marché du « gifting » reste très important. Dans les années 1975, Gianni Bulgari a eu l’idée de développer une montre en or, digitale, la Bvlgari Roma, qu’on offrait à nos meilleurs clients. Le succès a été tel que Gianni Bulgari a créé en 1977 un modèle en or, analogue, pour une clientèle masculine. C’est à partir de là qu’on a démarré l’horlogerie de tous les jours, pour les femmes et pour les hommes. Sur la joaillerie, nous présentons des pièces unisexes, comme la collection B.Zero1, par exemple.
Vous inaugurez également la Scuola Bvlgari, une école d’orfèvrerie capable de former de futurs artisans « à partir de 0 ». Vous manquez de main-d’œuvre et de savoir-faire ?
L’école a été pensée pour transmettre tout le savoir-faire nécessaire à la création de bijoux exceptionnels en partant de zéro. Sur le bassin de Valenza, de 6 000 joailliers toutes maisons confondues, 1 100 aujourd’hui travaillent déjà pour Bvlgari. Notre objectif est d’atteindre 1 600 joailliers au sein de notre atelier d’ici 2029. Faites le calcul, il faut donc que nous formions 500 joailliers au sein de notre école pour répondre à notre besoin de main-d’œuvre, mais également à notre degré d’exigence et d’excellence.
Source : Lire Plus





