Bernard Quiriny, maître du fantastique à la belge
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Éric Naulleau
23/04/2025 à 11:41

Bernard Quiriny excelle dans la nouvelle, genre littéraire dont il est fait peu de cas au pays de Maupassant – allez comprendre… D’autant plus regrettable que son nouveau recueil illustre tous les registres à disposition d’un maître de la forme brève. Présenté en ouverture, « Le Gai Savoir » fait tout d’abord penser à un compatriote belge de l’auteur, à ce jongleur de mots nommé Raymond Devos. Le narrateur y lie connaissance avec un étudiant près de soutenir une thèse « sur rien » : « D’ici quelques mois. Il me reste des notions à ne pas approfondir et cinq chapitres à ne pas écrire. » Feuilles vierges, soutenance muette et questions des professeurs posées sous forme de mimiques.
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Par la suite, « Nouvelles nocturnes » teinte l’absurde de couleurs plus sombres. Un homme multiplie les tentatives de suicide sans parvenir à mourir (« Trompe-la-mort »), des ingénieurs édifient un barrage sous les eaux duquel seront noyées les personnes qui les hébergent (« Le Barrage sur la Rustule »), un élève paie d’une malédiction à vie le bizutage de son enseignant (« Professeurs »). L’inquiétude s’insinue jusque dans l’ordinaire des jours, le sol peut à tout instant se dérober sous les pieds du quidam moyen, tel ce représentant de commerce qui découvre une plaque à son nom dans une ville inconnue (« Je suis célèbre »).
Non-sens à la belge
Les textes les plus saisissants sont aussi paradoxalement les plus drôles – mention spéciale pour le portrait d’un dictateur auprès duquel Ubu et Kim Jong-un figurent de paisibles sociaux-démocrates (« Le Roi K »). À travers la diversité de l’inspiration, le novelliste soigne ses attaques, voyez plutôt la naissance des amours entre Marielle et Christian : « Ils flirtent, dînent ensemble, vont au cinéma. Elle le ramène chez elle où ils passent une belle nuit. Le lendemain, à son réveil, elle trouve dans son lit deux exemplaires de Christian, nus, identiques l’un à l’autre. » (« Duplicatas ») Vitesse d’écriture, fantastique mêlé d’humour noir, non-sens à la belge, toujours un plaisir de prendre des nouvelles de Bernard Quiriny.
Nouvelles nocturnes, Bernard Quiriny, Rivages, 224 pages, 19,50 euros.

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