
Depuis des décennies, nos élites s’emploient à desceller les pierres d’angle de l’édifice tremblant. Les médiacrates évoquent la survenance d’une « crise institutionnelle », parfois même d’une « crise de régime ». Vision superficielle. On doit plutôt parler d’une « crise existentielle ». Car la France pourrait bien s’abîmer en tant que figure historique. Les légistes nous ont laissé en dépôt que c’est l’État qui a fait la France. Or, nous vivons une crise étatique inouïe. Le régalien a perdu le monopole de la violence légitime ; n’assurant plus la sécurité, le pouvoir est grignoté par « l’État profond » qui, ayant instruit le procès général des nations, au nom du bien-être cosmique, entend tourner les peuples vers la seule quête des prospérités matérielles.
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Nos institutions sont dévoyées : le pouvoir exécutif est évanescent, aux mains de la technocratie de marché. Le pouvoir législatif est devenu une instance de transposition de l’empire des commissaires de la norme. Quant à l’autorité judiciaire, voilà qu’elle cède au messianisme inquisitorial. Aujourd’hui, les juges se voient chargés d’une nouvelle mission, définie par une sémantique à ciel ouvert dans le journal Le Monde, sous la plume de l’intellocrate de la gauche en panique, Pierre Rosanvallon. Celui-ci ose deux percées conceptuelles qui fleurent bon le coup d’État : « La légitimité du pouvoir des juges doit être déclarée supérieure à celle du pouvoir des urnes. »
Les juges sont appelés à devenir les nouveaux souverains. « La démonisation du populisme n’a désormais plus aucun effet. Il faut donc instaurer une vigilance de langage et poursuivre sans relâche les voleurs de mots et les trafiquants d’idées. » Le verbe « poursuivre », associé à l’idée d’une magistrature tribunicienne, prend là tout son sens. Il s’agit désormais d’intimider les opposants, de suspendre la parole dissidente. La fin de la liberté de penser « est à l’ordre du jour ».
La puissance publique a perdu le contrôle de ses frontières, de ses lois, de ses finances. La sphère publique est en train d’asphyxier la création de richesse : la France paie 1 million de fonctionnaires de plus que l’Allemagne pour 15 millions d’habitants en moins. C’est tout dire. Sur la crise étatique se greffe une crise nationale. La nation change de peuplement. La conjugaison de l’immigration invasive et du taux de fécondité différentiel prépare l’issue fatale : le peuple historique français sera minoritaire chez lui dans trente ans, conformément au programme officiel de Jean-Luc Mélenchon : « Remplacer les petits vieux que nous sommes devenus par la jeunesse africaine. » Sic.
Derrière le changement de population, il y a un changement de civilisation. Avec désormais trois France, qui ne se nourrissent plus du même imaginaire. La France de toujours, qui vénère le dépôt millénaire, fait face à l’anti-France qui pratique le populicide et la post-France qui rêve d’un laboratoire planétaire du paradis diversitaire. Nos élites entretiennent, dans les jeunes générations, l’éclipse de la conscience nationale. La France est devenue un exotisme. L’Union européenne a basculé. Elle a tout juste décidé le financement d’un « Coran européen » pour légitimer la société charia-compatible. Nous avons oublié le mot d’Orwell : « Celui qui tient le passé tient le présent. Celui qui tient le présent tient le passé. »
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La troisième crise est la pire, c’est la crise morale. Elle est le fruit amer d’une rupture de la transmission : notre art de vivre à la française agonise, comprimé entre le Wokistan qui nous désocialise et l’Islamistan qui nous resocialise. C’est l’assimilation à l’envers. Les repères moraux ont sauté. La famille s’efface. La vie même n’est plus protégée, n’est plus sacrée. La rupture anthropologique que nous avons inaugurée avec l’avortement constitutionnel, l’euthanasie et le suicide assisté nous promènent au-dessus du vide. Cette dissociété de déracinés me fait peur. Écoutons le cri de Simone Weil : « L’enracinement est le besoin le plus profond et le plus méconnu de l’âme humaine. »
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