
L’affaire Palmade ne peut être réduite à la question de la violence routière causée par la prise de stupéfiants, un angle mort, pourtant, de nos politiques publiques. Elle ne se réduit pas plus au statut déshumanisant du fœtus dans le ventre de sa maman, Mila, moins bien traité en droit français qu’un animal de compagnie. Ni à l’interrogation légitime des Français, – au nom desquels sont rendues les décisions correctionnelles –, sur le quantum de la peine prononcée à l’encontre du prévenu, comme des conditions de sa sortie de prison. Une sanction censée réparer – ce qu’espéraient Mila, Yuksel et Devrin – mais aussi dissuader ceux qui, par leurs turpitudes, peuvent massacrer la vie des autres.
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Non, ce que nous retiendrons de l’affaire Palmade est ce qu’elle a révélé en creux : le scandaleux statut de la victime en droit pénal français.
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Les affaires qui mettent en cause des personnalités ont le mérite d’éclairer les défauts et les carences de notre système judiciaire, en ouvrant une fenêtre de médiatisation à de pauvres victimes, qui auraient tant préféré vivre, en famille, autour de leur bébé, dans un tranquille anonymat. Mais voilà, avec la décision de la chambre de l’application des peines de la Cour d’appel de Bordeaux, rendue le 15 avril dernier, l’affaire Palmade aura rappelé à nos concitoyens qu’en 2025, chez nous, la victime ne compte pour rien.
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Que la loi ait décidé, « au nom des Français », que toute peine d’incarcération de moins d’un an puisse être aménagée, soit, mais que la même loi empêche la victime de s’exprimer dans le débat judiciaire sur l’aménagement et l’exécution de la peine, voilà qui est insupportable pour les victimes mises trois fois devant un fait accompli : subir la violence ; puis un quantum correctionnel sans avoir le droit de faire appel ; subir enfin l’aménagement de ce quantum sans pouvoir plaider son point de vue et faire valoir ses droits.
C’est précisément ce qui a eu lieu, le 15 avril, à Bordeaux. L’article 712-13 du Code de procédure pénale expulse la victime du prétoire, lui interdisant l’« égalité des armes » avec le mis en cause comme avec le Parquet.
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Notre droit pénal viole encore le principe constitutionnel d’égalité des parties
Il se trouve, par un curieux hasard, que le co-auteur de cette tribune était co-signataire d’une proposition de loi « visant à améliorer les droits des victimes dans le cadre de la procédure pénale », n°4307, déposée le 7 février 2012 par notre collègue de l’époque, Christian Estrosi. Et que l’autre co-auteur de cette tribune avait été consulté comme expert par le signataire principal de cette proposition de loi et participait à la conférence de presse de sa présentation.
Jamais cette proposition de loi Estrosi-Carayon ne fut discutée au Parlement. Si elle avait été votée, son article 16 modifiait l’article 712-13 : Mila, Yuksel et Devrin auraient été représentés par leur avocat afin d’exprimer leur point de vue, tout aussi légitime que celui de l’avocat de Pierre Palmade ou du substitut du Parquet général.
Que la loi n’ait pas été corrigée ne constitue pas seulement une faute politique : c’est une faute morale à l’endroit de toutes les victimes. Notre droit pénal viole encore le principe constitutionnel d’égalité des parties et celui du contradictoire dans toute procédure juridictionnelle. Il est permis de penser que lorsque la justice est rendue au nom du peuple Français, elle a pour vocation naturelle de respecter en premier les victimes.
Mettre à l’ordre du jour cette proposition de loi ressort bien ainsi d’une obligation morale et constitutionnelle.
*Bernard Carayon est avocat et ancien député ; Christophe Eoche-Duval est haut-fonctionnaire dans la justice, auteur de l’ouvrage Le prix de l’insécurité (2024, Eyrolles)
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