
Le libéralisme français n’a généralement pas bonne mine. Si vous croisez un de ses représentants dans un colloque savant, il a souvent les traits d’un professeur désenchanté en veste de velours côtelé usée, convaincu des vertus d’une philosophie qu’il croit par ailleurs vaincue d’avance. Il n’inspire ni la joie, ni l’esprit de conquête, même s’il est probablement honnête. Les libéraux de gouvernement valent-ils vraiment mieux ? Ceux du bloc central prétendent l’être parce qu’ils parlent tout le temps de l’État de droit et des marchés. Ils souhaitent pourtant étendre la censure et justifient des impôts toujours plus élevés. C’est pour eux qu’on a inventé le concept de libéralisme autoritaire. S’ils sont libéraux, je suis une cantatrice moldave.
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Reste les libéraux de droite qu’on aime dire libéraux-conservateurs, trop souvent écartés, cela dit, entre leurs convictions et leur désir d’être respectables, ce qui les neutralise un peu. Ils veulent lutter contre la bureaucratie, avec raison. Ils maudissent la kleptocratie qui pratique le braquage fiscal. À la fin, comme les autres, à tout le moins pour la plupart d’entre eux, ils jouent au front républicain. Tout cela pour dire qu’on ne sait pas trop ce que veut dire le libéralisme, en France, et qu’on ne sait pas trop où il va. Mais il suffit peut-être d’élargir la focale pour voir les choses autrement. Car le représentant le plus vigoureux du libéralisme français est un jeune homme de 80 ans, qui a probablement plus d’énergie qu’un régiment de vingtenaires fringants, et qui à sa manière, enseigne la bonne parole depuis une trentaine d’années, avec ses livres et ses émissions de l’Institut des libertés.
Vous venez de reconnaître Charles Gave. Sa réputation, dans les grands médias, est celle d’un financier fortuné, qui soutient de nombreuses causes, et pour cela, d’ailleurs, ils sont nombreux à se présenter à sa porte pour obtenir un chèque, et puisqu’il veut servir la cause, souvent, il le donne. Les journalistes commissaires politiques de la presse de gauche cherchent à lui coller de sales étiquettes. Je ne pense pas me tromper en disant qu’il connaît à peine leur existence. Sa réputation pour le grand public est autres : il enseigne les arcanes de la finance et de la politique, à la manière d’un homme qui a vu le système de l’intérieur, et qui a décidé de l’exposer. Génial à sa manière, drôle, bourru, il tape à la hache rhétorique sur une caste d’Ancien Régime qui s’accroche à ses privilèges bureaucratiques, et qui conduit notre civilisation à la ruine, en se gavant sur le dos des pauvres gens. Son public est immense. Ce n’est pas un détail.
Charles Gave est libéral, et il croit que le libéralisme vient de loin, qu’il s’agit, en quelque sorte, d’une philosophie naturelle, conforme à ce qu’on sait de la nature humaine, et non pas d’une idéologie comme une autre. Il a cherché à nous en convaincre en 2005 dans Un libéral nommé Jésus, un ouvrage qu’il vient de rééditer, aux éditions Pierre de Taillac. Son objectif : « décrypter la pensée économique du Christ ». L’entreprise est étonnante, et convaincante. Non pas que Jésus soit un théoricien conscient de l’économie de marché, mais Gave nous montre comment, à la lecture des Évangiles, on trouve ce qu’on pourrait appeler une science de la nature humaine – ce sont mes mots, pas les siens, mais je ne crois pas le trahir en le disant ainsi. Qu’il s’agisse de la propriété, de l’endettement, du respect des contrats, ou du capital, il cherche à voir ce que les Évangiles en disent.
Charles Gave n’appartient pas à la caste des intellos officiels
La réponse est dans le titre de son livre : ceux qui se sont réclamés de Jésus pour nous imposer un socialisme censé traduire pratiquement son enseignement sont des illettrés ou des menteurs. Que chacun s’y plonge pour voir s’il en sera convaincu. Chose certaine, Charles Gave, le plus vigoureux essayiste libéral n’appartient pas à la caste des intellos officiels et mondains. Et c’est peut-être pour cela qu’il rend libéralisme vivant, et joyeux.
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