Vladimir Kornéev et Orlando font revivre Dalida

Le JDNews. Vladimir, quelle fut votre première rencontre avec Dalida ?

Vladimir Kornéev : C’était le 11 janvier 2008, j’avais 20 ans. À mon premier cours de chant, Mélanie, ma professeur, m’a fait écouter Je suis malade, chanté par Dalida. J’ai fondu en larmes. J’avais beau, à l’époque, ne pas parler français, il y avait une évidence. C’est ce jour-là que j’ai décidé d’être chanteur et de chanter en français.

Orlando : Ce qui est drôle, c’est qu’il a découvert Dalida avec une chanson qui n’est pas d’elle, mais de Serge Lama. Comme le dit Serge, les radios poussaient les P’tites femmes de Pigalle, mais c’est Dalida qui a lancé cette chanson, taillée sur mesure pour elle.

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Comment est née votre collaboration ?

O. : Quand Vladimir et Lionel Lavault, son manager, m’ont expliqué qu’ils voulaient monter un récital de Dalida, Vladimir jouait alors dans un spectacle sur Édith Piaf. Or Piaf et Dalida se suivent. J’ai trouvé ça poétique. Puis j’ai été stupéfié par une interprétation du Temps des fleurs qu’il a faite dans « Le Grand Échiquier spécial Dalida » : il s’est approprié la chanson, il y a mis du classique, du bel canto… C’était un show en une seule chanson : il m’a impressionné ! Quand je choisis de cautionner un artiste, il faut qu’il amène quelque chose de nouveau. Et cette rencontre artistique a été très efficace ! Dalida, c’est un feu d’artifice : elle a touché à tous les genres avec le même bonheur. Alors j’ai mis en garde Vladimir : « Ce n’est pas facile de chanter Dalida, il faudra passer par tous les styles, le rythme, la tragédie, la fantaisie… »

Orlando, avez-vous été consulté sur la partie artistique ?

O. : Je laisse faire : ce n’est pas mon spectacle mais le leur. Et puis, ça me fait plaisir à moi aussi de découvrir la façon dont il voit les chansons de Dalida. Quelqu’un qui vient en disant : « J’ai envie de rendre hommage à votre sœur », c’est déjà extraordinaire, n’est-ce pas ?

Vladimir, vous êtes Géorgien, vous avez grandi à Berlin et pourtant, vous parlez délicieusement français !

V. K. : Merci ! J’ai commencé à apprendre votre langue il y a un an et je vais me retrouver à raconter mon histoire sur scène en français : ça m’excite beaucoup !

O. : Je trouve formidable qu’un chanteur étranger se penche sur un répertoire français et qu’il se donne la peine d’apprendre à parler, à chanter notre langue.

Au-delà de la langue, que représente Dalida pour vous, Vladimir ?

V. K. : Ce spectacle est une grande étape de reconstruction personnelle, après une existence marquée par la mort et la souffrance : j’ai quitté ma Géorgie natale quand j’avais 5 ans à cause de la guerre d’Abkhazie. La violence que j’y ai vue m’a rendu bègue, jusqu’à mes 17 ans. Petit, j’ai appris le piano parce que je ne pouvais pas parler. À 17 ans, j’ai essayé le théâtre et… après mon premier monologue, le bégaiement a disparu. Tout cela s’est connecté quand j’ai commencé à chanter Dalida : toute mon enfance me liait à elle. J’ai alors ressenti le besoin de raconter mon histoire grâce à ses chansons : Moi je veux mourir sur scène pour le théâtre, Pour ne pas vivre seul pour mon adolescence de bègue solitaire dont le piano était le seul ami… Ce spectacle est une façon de remercier Dalida pour ce qu’elle a fait pour moi et pour tant de gens.

« Elle a enregistré près de 700 titres en français, 300 dans d’autres langues »

O. : On a souvent fait attention aux mélodies de Dalida mais aujourd’hui, on se penche sur ses textes : ses drames, elle les a mis au service de son art. Et Vladimir comprend ce vécu et passe à travers les mêmes émotions.

Comment éviter l’imitation ?

V. K. : Les idées viennent de mon cœur et de ma voix, je ne pourrais jamais imiter quiconque. De même, je relie ma musique à mes inspirations, avec le plus grand respect pour l’original : pourquoi imiter ?

Quelle est techniquement la chanson la plus difficile de Dalida ? Et quelle est celle que vous préférez ?

V. K. : Je suis malade : je l’ai toujours chantée dans mes concerts, même celui sur Édith Piaf ! Mais avec le temps, j’ai appris à beaucoup apprécier Helwa Ya Baladi : c’est si beau de chanter en arabe !

O. : Elle a enregistré près de 700 titres en français, 300 dans d’autres langues. En préférer un, ce serait vexer tous les autres. Et puis, Dalida a eu trois périodes : chanteuse de la Méditerranée, puis interprète des grands textes, et enfin showgirl disco. Une artiste complète, qui échappe aux classements. Techniquement ensuite, tout le répertoire est compliqué. Mais avec le talent de Vladimir, aucun risque : nous serons tous bluffés ! Entre nous, il est nouveau, vous savez. Ces concerts seront son premier contact avec le public français, ça ouvre la perspective d’une tournée, en France et à l’étranger, comme Dalida : elle chantait sur scène dans cinq langues, a enregistré dans neuf, en parlait quatre, en comprenait cinq… Vladimir pourra suivre cette voie.

Y a-t-il une chanson qui n’est pas au programme que vous auriez aimé chanter ?

V. K. : Soleil, soleil. Le spectacle est déjà très long, mais je la chante du matin au soir !

Peut-on résumer Dalida en un mot ?

V. K. : Nous avons tous vécu ces moments où quelque chose se produit, où nous ne pensons ni à l’avenir, ni au passé. Nous nous sentons nous-mêmes parce que ce que nous vivons est tellement grand qu’on en est profondément touché. C’est le sentiment que j’associe à Dalida, mais je ne pense pas qu’un seul mot puisse le décrire.

O. : J’étais le témoin de son histoire et je suis devenu le gardien de sa mémoire. Ces deux notions résument tout.