
Il y a trois semaines, François Bayrou réunit dans son bureau les chefs à plumes du socle commun. Édouard Philippe (Horizons), Gabriel Attal (Renaissance), Michèle Tabarot (LR), Hervé Marseille (UDI) et Marc Fesneau (MoDem). Le carton d’invitation mentionne la préparation des municipales, l’occasion de sermonner les uns et les autres sur la fragilité de leur partenariat. Rien de bien méchant en somme. Mais comme souvent avec François Bayrou, il y a souvent un coup qu’on ne voit pas venir. Le Premier ministre leur annonce le retour de l’Arlésienne : la réforme du mode de scrutin législatif à la proportionnelle. Et, pour convaincre les sceptiques, le Premier ministre joue la carte de la peur. Et si en 2027, la présidentielle portait au pouvoir la ou le candidat(e) RN ? Un scrutin proportionnel contraignant les partis du socle commun à s’entendre ne serait-il pas la meilleure façon de sauver les meubles, voire d’imposer une cohabitation ?
Publicité
La suite après cette publicité
Que sa démonstration convainque ou pas, François Bayrou ira au bout. Afin qu’Emmanuel Macron tienne sa promesse de 2017 : la dot incluait l’introduction d’une dose de proportionnelle, a minima. Édouard Philippe, en gaulliste, est par principe attaché au scrutin majoritaire. Pour autant, à Matignon, il préparait un projet de loi sur un scrutin « mixte », à l’allemande. Le projet, très avancé, prévoyait que chaque électeur déposerait deux bulletins, l’un pour élire un député au scrutin majoritaire et l’autre pour une liste de candidats élus à la proportionnelle. Le Premier ministre prévoyait, au passage, dans une réforme constitutionnelle, de réduire de 30 % le nombre de parlementaires. L’affaire Benalla entraîna l’ambitieuse réforme dans le ravin, au grand soulagement des élus peu enclin à se faire hara-kiri.
Une inconnue : la recette conviendra-t-elle à Marine Le Pen ?
Dans la version Bayrou, le texte s’annonce moins ambitieux, par commodité d’abord. Le mécano Philippe exigerait un redécoupage long et minutieux de la carte électorale pour redessiner les circonscriptions. Le temps manque d’ici à 2027 et l’éclatement du paysage politique rendrait incertaine l’adoption d’un tel chamboule-tout. À cette heure, une proportionnelle par listes départementales est privilégiée par Matignon, sur le modèle des législatives de 1986, époque François Mitterrand. LR et Horizons se résoudraient à voter pour, à s’abstenir pour les plus frileux, à condition que le cumul des mandats soit réintroduit. Cela permettrait de contrebalancer la toute-puissance des chefs de partis dans la désignation des candidats, en faisant de l’ancrage local un atout maître. Chez Renaissance, le sujet ne fait pas l’unanimité mais, selon un dirigeant du camp macroniste, cela permettra de canaliser les troupes. « Les élus Renaissance, souvent issus de la société civile, manquent cruellement de colonne vertébrale politique, décrypte-t-il. Ils penchent à gauche ou à droite en fonction de la sociologie de leur circonscription, la proportionnelle leur inculquera la discipline de parti. Et s’ils s’en écartent, ils sortiront la fois suivante. »
Reste une inconnue. La recette conviendra-t-elle à Marine Le Pen. Certes, elle a fait de la proportionnelle une des conditions de la non-censure, mais à sa sauce, cela deviendrait une proportionnelle nationale, avec une prime majoritaire accordée à la liste arrivée en tête. Pas du tout la même vinaigrette que maître Bayrou.
Source : Lire Plus






