« Quand, dans un mariage, on ne se parle plus que par oui ou par non, le divorce n’est pas loin. » On doit cette formule à Alain Poher, président du Sénat. Elle prendra toute sa valeur et sa force en ce dimanche 27 avril 1969. Au pouvoir depuis dix ans et réélu au suffrage universel en 1965, le général de Gaulle, président de la République, dispose encore de trois ans de mandat. Il n’en a cure.
Depuis une année, la révolte étudiante et les grèves massives de Mai-68, il le sait, mesurent la réalité : celle de l’usure du pouvoir et du lien distendu entre les Français et lui. Alors il a imaginé un référendum pour reprendre la main et, en quelque sorte, pour se relégitimer. Ce sera le thème de la participation.
Son projet vise à créer des régions afin de « mettre fin au centralisme ». Le second volet de la réforme prévoit d’élargir la composition du Sénat pour le rendre plus représentatif en y intégrant des corps intermédiaires.
De Gaulle affirme aux Français la nécessité d’une mutation de la société et dans le même temps, il prévient qu’en cas de rejet, il quittera ses fonctions. Plus qu’un vote proposé aux Français, c’est un ultimatum. Jusque dans les derniers jours, les sondages donnent le « oui » gagnant. Pourtant, le Général n’est pas optimiste, comme s’il s’était usé la voix, comme si cette voix qu’on entendait toujours et encore ne commandait plus au destin de la France.
En ce dimanche de printemps, la participation est de 80,13 % et le « non » l’emporte à 52,41 %
Et puis, le texte est critiqué pour sa trop grande technicité, sa longueur et son manque de souffle. Sans surprise, l’opposition appelle à voter « non ». Plus étonnant, le président est gêné dans son propre camp. Ainsi, Georges Pompidou, ancien Premier ministre, a averti qu’il serait candidat en cas de démission, se portant garant de l’héritage gaulliste, en défendant le changement dans la continuité. De même, son ancien ministre des Finances, Valéry Giscard d’Estaing, a indiqué qu’il ne votera pas « oui ». Seule l’UDR a fait campagne dans le sens voulu par de Gaulle.
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Le JDD titre à la une : « Oui ? Non ? » C’eût pu être : « Pour ou contre de Gaulle ? » En ce dimanche de printemps, la participation est de 80,13 % et le « non » l’emporte à 52,41 %. Seules les régions de Bretagne, d’Alsace et de Lorraine, du Massif central et d’une partie infime du Sud-Ouest ont suivi de Gaulle. Bref, une majorité de Français entendaient, par leur vote, provoquer le départ du Général. Celui-ci interviendra officiellement le 28 avril, à 00h10, par un communiqué laconique depuis Colombey-les-Deux-Églises.
De Gaulle quittera ainsi la scène politique à sa manière, selon sa propre conception d’envisager la volonté populaire. François Mauriac qualifiera ce référendum et le départ du Général de « cas sans précédent de suicide en plein bonheur ».
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