L’étau se resserre autour des Frères musulmans. Alors que Bruno Retailleau devrait dévoiler d’ici quelques jours un rapport « accablant » sur la confrérie et son entrisme en France, son rival pour la présidence des LR veut classer le mouvement comme terroriste. Une décision urgente, d’après Laurent Wauquiez, qui « doit s’accompagner de l’interdiction des organisations qui sont affiliées » à la confrérie. « Nous n’avons que trop tardé », a déploré le député de Haute-Loire ce dimanche au micro de BFMTV. Et il est loin d’être le seul à le penser : selon une enquête CSA pour CNews, Europe 1 et le JDD, 88 % des Français souhaitent l’interdiction du mouvement islamiste.
Les Frères musulmans ont d’ores et déjà été interdits dans plusieurs pays – à commencer par l’Égypte, berceau historique du mouvement. Créée en 1928 dans le nord du pays par Hassan al-Banna – le grand-père de Tariq Ramadan – l’organisation religieuse a été retirée de la liste des ONG autorisées et ses activités ont été bannies après la destitution du président islamiste Mohamed Morsi. Longtemps tenus loin du pouvoir par l’armée, les Frères se sont hissés au pouvoir avec le parti Justice et Liberté, après la révolution de 2011. Un règne de courte durée, puisque Mohamed Morsi a été évincé par le coup d’État du maréchal Sissi en 2013.
Un an plus tard, c’est l’Arabie saoudite qui a classé les Frères musulmans comme organisation terroriste, interdisant toute activité ou soutien au groupe. Les Émirats arabes unis lui ont emboîté le pas quelques mois plus tard, en novembre 2014. Non pas que les monarchies du Golfe ou l’Égypte soient opposées à la charia… À majorité musulmane, ces pays craignent surtout que des islamistes liés à ce mouvement renversent le pouvoir en place, en particulier depuis les Printemps arabes.
Première interdiction en Europe
Pour des raisons bien différentes, l’Autriche a sauté le pas en juillet 2021, devenant ainsi le premier pays européen à interdire la confrérie. Ou plutôt, à proscrire ses slogans et sa littérature, puisqu’aucune organisation en Europe ne se revendique ouvertement des Frères musulmans. La détention ou propagation de tels ouvrages est désormais passible de 4 000 euros d’amende et un mois de prison. Profondément meurtrie par l’attentat de Vienne, qui a fait quatre morts et 23 blessés le 2 novembre 2020, l’Autriche a choisi d’ajouter le nom du mouvement sur sa liste noire des « groupes extrémistes liés à la criminalité à motivation religieuse », aux côtés de Daech, d’Al-Qaida, du Hamas, du Hezbollah, du PKK kurde ou encore des Loups Gris turcs, également interdits en France.
La Jordanie est le dernier pays à avoir banni les Frères musulmans. Mercredi 23 avril, le royaume hachémite a interdit toutes leurs activités et ordonné la fermeture de leurs bureaux. Les autorités les accusent d’avoir mené « des activités de nature à déstabiliser le pays », notamment la fabrication et le stockage de roquettes et d’explosifs. Quelques jours plus tôt, seize personnes, parmi lesquelles des membres de la confrérie, avaient été arrêtées, soupçonnées de fomenter « des plans visant à nuire à la sécurité nationale, à semer le chaos et à commettre des actes de sabotage ». Une décision saluée en France, notamment par Marine Le Pen.
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Dissoudre ou dévoiler
« Combien de temps encore le gouvernement français aura la main qui tremble pour en faire de même sur le territoire national ? », interpellait dans la foulée la cheffe de file des députés RN sur X. « On ne peut pas interdire les Frères musulmans en tant que tel » mais « on peut [le faire] dans la manifestation de leur organisation », a expliqué ce week-end le ministre de l’Intérieur. « Nous n’hésiterons pas dès lors qu’on aura ces preuves à dissoudre », a-t-il assuré. Outre la complexité d’interdire un mouvement qui agit dans l’ombre, est-ce la solution ?
Pour l’anthropologue Florence Bergeaud-Blackler, cela reviendrait plutôt à « nous tirer une balle dans le pied » et « rendrait un grand service à son réseau d’avocats militants ». Dans un récent entretien au JDD, la chercheuse explique que « l’Autriche n’est pas mieux préservée de l’idéologie frériste et des tentatives d’imposer un parti islamiste dans le champ politique » depuis qu’elle a interdit le mouvement. Selon elle, la meilleure solution serait de « connaître l’idéologie de la confrérie, identifier ses acteurs, savoir la décoder et cesser d’en faire un sujet tabou ».
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