
« Rappelle-toi que ton esprit ne changera jamais. Il gardera, pour toujours, les catastrophes, les paradoxes et la magie du Proche-Orient. » Cette maxime s’adresse à Salim, double littéraire de l’auteur qui, au moment d’embarquer, fait ses adieux à Naji, son camarade de lutte. Comme une projection d’Omar Youssef Souleimane fuyant en 2012 son pays, la Syrie, loin de sa famille, de ses amis et de la répression menée contre les opposants au régime de Bachar al-Assad. Direction la France, terre d’asile pour celui qui a l’obsession de la ville lumière. Ne pouvant rentrer dans son pays, l’écrivain d’origine syrienne use du pouvoir de la fiction pour mieux romancer son retour d’exil et en faire le deuil.
Publicité
La suite après cette publicité
Pour partie autobiographique, L’Arabe qui sourit, avec son titre énigmatique, remonte à l’enfance de l’auteur. Un accident à l’âge de 3 ans lui fait perdre son œil droit : « Je n’ai jamais réussi à me débarrasser de ce sourire. Malgré les problèmes, les malentendus, je voulais juste que les gens ne regardent pas mes yeux. » 2023, La Rochelle. Un post Facebook, une photo et deux mots : « Adieu Naji », plonge Salim dans un passé refoulé. Comme « des bulles à la surface d’un liquide ». Un récit qui prend rapidement pour le lecteur des allures de roman d’aventures.
Direction le Liban où les souvenirs ressurgissent. La figure de Delia (qui existe), photographe italienne vivant seule à Beyrouth, ce qui lui vaut d’être traitée par son voisin de prostituée, est la promesse pour Salim d’un nouveau départ. D’ailleurs, Omar Youssef Souleimane n’hésite pas, au fil des pages, à se tourner vers le roman policier. Le décès de Naji devient pour le couple une quête haletante. Une suite de chiffres écrite à l’encre jaune dans un livre du philosophe Ibn Khaldoun et c’est le récit qui s’emballe. Décidément, cette mort est de plus en plus suspecte. Le captagon n’est pas loin. Cette drogue de synthèse est devenue pour le régime syrien une véritable manne financière.
Récit picaresque d’un Moyen-Orient devenu « cimetière de rêves »
Enterrer le défunt en Syrie est un impératif autant qu’une mission dangereuse. Comment traverser la frontière avec pour seul passeport un peu de maquillage et un cercueil caché dans le coffre ? La peur d’être arrêté plane. Réaliser les dernières volontés d’un mort est une nécessité. C’est aussi un moyen de sentir que l’on est pleinement vivant, semble dire l’auteur : « La plus belle chose qu’on offre à un être cher enlevé par la mort, c’est de rester vivant. »
Une philosophie de la vie qui se déploie au fil de ces 240 pages où l’on se laisse bercer par ce récit picaresque d’un Moyen-Orient devenu « cimetière de rêves ». Ceux du romancier qui, treize ans plus tôt, quittait sa terre natale avant que la chute du régime syrien, en décembre dernier, ne rende son retour possible. Où quand la fiction précède le réel.
La suite après cette publicité
L’Arabe qui sourit, Omar Youssef Souleimane, Flammarion, 240 pages, 20 euros.
Source : Lire Plus





