Le JDD. Vous racontez dans votre livre l’histoire d’un harcèlement à Science Po, alors que vous êtes en deuxième année, par une association militante féministe, le Pôle violet. Comment le cycle de violence commence-t-il ?
Pablo Ladam. Il y a deux éléments déclencheurs. D’abord, durant ma première année, j’étais étiqueté Renaissance et défendais la réforme des retraites – ce qui est assez difficile à faire dans un campus qui vote à 55 % pour Jean-Luc Mélenchon. Ensuite, il y a un deuxième élément déclencheur : un discours que j’ai prononcé lors d’un concours d’éloquence organisé par Sciences Polémiques, l’association d’art oratoire de Sciences Po. C’est un discours qui se voulait féministe au sens où j’essayais de dénoncer des mécanismes prédateurs de la part d’une certaine élite masculine, et associais métaphoriquement les femmes et la nature. Mon texte était littéraire, lyrique et relevait évidemment du second degré.
Je savais que de mauvaises interprétations pourraient en être faites, mais je ne pouvais pas prévoir la vague de haine qu’il allait provoquer. Je suis intimement persuadé que si le même discours avait été prononcé par une militante féministe, on aurait dit : « C’est magnifique, c’est tellement féministe. » Mais comme il a été prononcé par un homme blanc, hétérosexuel, cisgenre et étranger à l’idéologie woke, ils ont considéré que c’était du premier degré et que j’étais vraiment cet antihéros machiste dans la peau duquel je m’étais glissé pour ce concours.
Quelles ont été les conséquences de ce discours ?
Immédiatement, l’enfer commence. Certains militants sabotent le discours en quittant l’amphithéâtre bruyamment, poings levés. Puis, quelques minutes plus tard, une militante me traite devant 300 personnes – tout l’amphithéâtre – de violeur et de macho, et m’accuse de faire l’apologie du viol. À partir de là, ma mort sociale est signée. Et ma réputation complètement broyée. C’était une exécution publique orchestrée.
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Qui ces militants représentent-ils ?
Il faut savoir qu’ils représentent une minorité. Mais une minorité extrêmement agissante, bruyante, qui bloque les campus, qui occupe les amphithéâtres et qui, de ce point de vue, terrorise l’administration par des moyens de pression très efficaces. La majorité, pour sa part, suit en silence par peur d’être rangée dans le camp des « fachos ». Cette minorité acquiert donc une forme de légitimité puisque personne ne remet en cause sa tyrannie, sa toute-puissance.
Comment fonctionne le pôle CEIP (cellule d’enquêtes internes préalables), l’instance chargée de diligenter une enquête interne à Sciences Po, dont vous parlez dans votre livre ?
Il s’agit d’une instance officielle, instaurée en effet par la direction et présidée par une conseillère d’État. Et, à ce titre, c’est un scandale d’État : qu’une magistrate soit à la tête d’une cellule militante composée exclusivement de femmes et qui bafoue tous les principes élémentaires du droit est proprement scandaleux. Leur logiciel ? La présomption de culpabilité. Il n’y a pas besoin d’apporter de preuve. Il suffit de formuler une allégation pour la prouver, il suffit de l’entendre pour la croire.
Comment Sciences Po peut-il évoluer ?
Ce développement de l’idéologie woke, sa légitimation, sa banalisation à Sciences Po et, finalement, sa propagation au reste de la société m’effraient. Sciences Po est un laboratoire du wokisme et cette façon de réfléchir s’est imposée comme un système bafouant les libertés fondamentales de conscience, d’expression et surtout piétinant l’État de droit. Dans la mesure où Sciences Po prétend fabriquer les élites de demain – avocats, magistrats, peut-être ministres de la Justice – je trouve extrêmement inquiétant que des associations si profondément antirépublicaines puissent prospérer sans contrôle.
La terreur violette, Pablo Ladam (L’Observatoire), 176 pages, 18 euros.
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