
Jusqu’en janvier, nous faisions tous un constat froid, implacable : 2024 serait la pire année de la construction neuve depuis 1954. La France n’aurait construit que 260 000 logements neufs. Un chiffre alarmant, symptôme d’une crise profonde et structurelle.
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Mais coup de théâtre, en février, comme par enchantement, le gouvernement a révisé ce chiffre à la hausse : 290 000 logements. Une hausse soudaine de 30 000 unités, justifiée par un vague « décalage statistique ». On n’aurait pas compté assez tôt, pas assez vite. Soit. Et pourtant, sur le terrain, rien. Aucune trace de ces logements supplémentaires. Ni les promoteurs, ni les bailleurs, ni les entreprises du bâtiment ne les voient. Pas de grues en plus… Pas de chantiers en plus. Le paysage immobilier reste celui d’un secteur à l’arrêt, pas d’un redémarrage.
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Alors, pire année de la construction neuve ou pas ? Un seul chiffre permet de trancher : 330 000 logements autorisés en 2024. Mais un quart de ces autorisations n’aboutit jamais. Le calcul est simple : 330 000 – 25 %, cela donne 250 000 logements réellement construits. Le chiffre initial revient, solide, indiscutable.
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Alors pourquoi ce tour de passe-passe ? Pourquoi réécrire la réalité ? Parce que l’assumer, ce serait reconnaître l’échec de la politique du logement conduite depuis 2017. On a méthodiquement démonté les fondations de l’acte de construire par la suppression des incitations fiscales à l’investissement locatif, le verrouillage du foncier avec le Zéro Artificialisation Nette, la ponction de 1,3 milliard d’euros sur les bailleurs sociaux… Ces décisions, prises isolément dans un contexte économique stable, pouvaient sembler inoffensives. Ensemble, dans une géopolitique devenue brûlante, elles ont asphyxié la filière.
Résultat : des loyers en hausse de 10 % en cinq ans, des biens qui s’envolent en moins de 30 jours dans les zones tendues, et une jeunesse assignée à résidence chez ses parents. Partout, un sentiment d’impuissance.
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Et l’on devine avec effroi que nous voyons seulement le prélude à une crise bien plus vaste. Le décalage entre les besoins réels — se loger, préparer sa retraite, loger ses enfants ou ses parents — et les logements effectivement produits est devenu structurel. Car avant de construire, il faut un permis de construire. En 2009, au plus fort de la panique financière, 380 000 logements avaient été autorisés à la construction. En 2024, nous sommes 50 000 en dessous. La machine s’est grippée. Et rien ne dit qu’elle redémarrera seule.
Ce blocage est un désastre économique autant que social. Si la France reconstruisait à son rythme de 2017 (420 000 logements/an), cela représenterait 7 milliards d’euros de TVA, 35 milliards d’activités, soit un point de PIB. Ce n’est pas une théorie. C’est un levier concret, ignoré.
La politique se désintéresse du logement. Or, sans toit, pas d’emploi, pas de famille qui s’installe, pas de jeunesse qui se projette…
Pourquoi ? Parce que le logement n’a jamais vraiment été politique. Trop technique pour passionner, trop local pour peser, trop quotidien pour mobiliser. Et pourtant, le logement est la racine de tout. Sans toit, pas d’emploi. Pas de famille qui s’installe. Pas de jeunesse qui se projette. « Pour ce qui est de l’avenir, il ne s’agit pas de le prévoir, mais de le rendre possible », écrivait Saint-Exupéry.
La nomination de Valérie Létard au ministère délégué au Logement pourrait marquer un tournant. Mais il faudra bien plus qu’un signal. Il faut une rupture claire, assumée, à la hauteur du choc que nous vivons. Sans toit, aucun avenir n’est possible. On ne rebâtit pas un pays sur des fondations absentes.
*Pionnier du logement coopératif, le Groupe Gambetta dirigé par Norbert Fanchon, est un promoteur spécialiste de l’accession à la propriété.
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