Le JDNEWS. Vous vous présentez comme « la plus vieille start-up du monde ». Que cela signifie-t-il ?
Gebhard Rainer. Effectivement, HX (ex-Hurtigruten Expeditions) est né en Norvège en 1896, ce qui en fait la plus ancienne compagnie du monde, mais nous venons tout juste de nous séparer juridiquement de notre société sœur, c’est pourquoi je parle de « start-up ». Nous sommes désormais entièrement concentrés sur les croisières d’expédition haut de gamme, avec une flotte de cinq navires, dont quatre en propriété et un affrété.
Vous vous présentez comme le leader de l’aventure responsable…Concrètement, ça veut dire quoi ?
Nous sommes fiers d’avoir toujours été les premiers à innover et agir. En lançant, par exemple, le premier navire hybride à batterie au monde, en interdisant l’utilisation du fioul lourd ou encore des plastiques à usage unique. Nous avons obtenu le meilleur classement RSE du secteur des croisières, et nous publions notre propre rapport RSE très exigeant. La science est au cœur de nos actions. Chaque navire possède un laboratoire scientifique à bord, en partenariat avec 30 instituts dans le monde. Nous embarquons des chercheurs, réalisons des prélèvements, et impliquons nos passagers comme « scientifiques citoyens ».
Quel public ciblez-vous ?
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Deux profils : des voyageurs de 50 ans et plus, curieux, cultivés, sensibles à l’environnement ; et une jeune génération très engagée, qui veut du sens et de l’authenticité. Mais aussi de l’action : faire du kayak, grimper, marcher, prélever des échantillons… Là où les plus âgés observent. Nous adaptons nos offres à cette demande d’interaction.
Le tourisme durable est-il selon vous un argument marketing ou est-ce une vraie tendance de fond ?
Le rejet du surtourisme par les populations locales – à Venise, ou sur les côtes espagnoles – a éveillé les consciences. Les paquebots de croisières attirent un public large, mais au détriment de la planète. Chez HX, nous assumons un prix plus élevé, mais justifié par le respect des communautés et des environnements. Les populations locales s’opposent à ces flux massifs et les voyageurs cherchent autre chose qu’un simple divertissement. Et nous, nous visons à transformer le regard qu’ils portent sur la planète.
« Beaucoup viennent pour l’aventure mais repartent bouleversés »
C’est-à-dire ?
Beaucoup viennent pour l’aventure mais repartent bouleversés. Au départ, certains doutent de notre discours sur la science ou le climat. Et puis, après quelques jours, ils comprennent. Le contact direct avec la nature a un impact émotionnel fort, c’est fascinant à observer !
N’est-ce pas paradoxal d’emmener des touristes dans des zones menacées comme les pôles ?
C’est une critique légitime. Mais lorsque l’on agit manière responsable, cela peut renforcer la conscience écologique, et cela est notre cas. Notre ambition est claire : continuer à innover, explorer de nouvelles technologies, et servir de modèle dans l’industrie. Si la calotte glaciaire du Groenland fondait entièrement, les océans monteraient de 7 mètres et engloutiraient Manhattan, Londres, ou Marseille. C’est une réalité qu’il faut voir pour y croire.
Quelle est votre définition du luxe ?
Vivre une expérience rare, dans des endroits inaccessibles, avec des experts scientifiques et des populations locales. Faire des expériences immersives dans des zones reculées et fragiles comme l’Antarctique, le Groenland, ou l’Alaska. Chez nous, nous parlons de « luxe décontracté » : cela veut dire excellence des services, mais sans formalisme. Pas de gants blancs ni de dress code, mais des matériaux haut de gamme, de la gastronomie de qualité, et beaucoup de confort dans un esprit relax.
Quelle destination recommanderiez-vous pour une première croisière ?
Les Galápagos, pour sa faune unique. Ou le Groenland, fascinant et méconnu. Ce pays est recouvert à 83 % de glace, sans routes entre les villes. Une expérience hors du temps. L’Antarctique reste incontournable, mais nécessite de traverser le redoutable passage du détroit de Drake, et ses conditions météorologiques parfois difficiles. Mais rassurez-vous, nous avons la chance d’avoir des navires conçus avec des stabilisateurs qui nous permettent d’affronter des vagues de 15 mètres !
Êtes-vous inquiet du contexte géopolitique tendu, et notamment les surtaxes douanières voulues par Donald Trump avec les États-Unis ?
Nous n’en ressentons pas encore les effets. Mais comme tout le monde, nous subirons les conséquences de cette absurdité. Ce qui m’inquiète davantage, c’est, en effet, le climat géopolitique. Les discours expansionnistes actuels me rappellent ceux de Vladimir Poutine ou Xi Jinping. Et cela rend des régions comme le Groenland ou l’Antarctique très convoitées, notamment pour leurs ressources minières et énergétiques.
À quoi ressemblera l’avenir de HX ?
Nous préparons notre 130e anniversaire avec des croisières uniques. Nous avons embauché une cheffe scientifique, et lancé un partenariat avec l’université de Tasmanie pour proposer à tous nos passagers un cours universitaire gratuit sur l’Antarctique. Côté destinations, nous développons l’Arctique canadien, l’Alaska du Nord, l’éclipse solaire de 2026, et une croisière spéciale pour observer les aurores boréales en Norvège.
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