En provençal, son nom signifie « résurrection ». La Respélid’ accueille depuis un peu plus d’un an quatre familles avec treize enfants, une trentaine d’étudiants et de jeunes pros – c’est la plus grande coloc’ étudiante d’Avignon ! – ainsi que six personnes en difficulté sociale. Tous partagent cette même envie d’incarner plus que de simples voisins de palier. À l’origine de ce projet aussi généreux qu’ambitieux, la volonté de pouvoir « accueillir pour témoigner », nous explique Anne-Claire Long, l’une des responsables de l’association Tiers-Lieu du Carmel d’Avignon.
Avec son mari et leurs quatre enfants, elle a quitté la région parisienne pour relever le défi de faire (re)vivre ce site. L’association est locataire de La Foncière Oykos, qui rachète des biens religieux pour les transformer en habitats partagés avec une dimension spirituelle, afin de respecter et perpétuer la vocation de ces lieux chargés d’âme. C’est ainsi que le couvent fut racheté en octobre 2022 aux dernières Carmélites d’Avignon. Alors, « même si nous ne demandons pas les certificats de baptême à l’entrée », précise-t-elle, il s’agit de recréer une petite communauté fraternelle offrant des temps de prière quotidiens dans ce havre de paix, ouvert à ceux qui veulent respirer, se ressourcer, réfléchir, expérimenter la charité ou cheminer…
Outre cette dimension spirituelle assumée, ce projet facilite la rencontre et l’entraide entre les générations. Dans ce lieu hors du commun, petits et grands partagent deux repas par semaine, le mercredi soir après un temps de conseil de maison, et le samedi midi, à l’issue de deux heures de chantier participatif : bricolage, jardinage au potager, verger, poulailler… sans oublier les nombreux rendez-vous culturels tout au long de l’année. « En plein cœur de ville, c’est le plus grand espace vert avec un parc de 1,2 hectares que nous ouvrons désormais. Les Avignonnais le découvrent car il a été fermé au public pendant deux siècles », continue Anne-Claire.
Ce dernier poumon vert de la ville, connu pour ses arbres remarquables, est bichonné par des bénévoles qui viennent l’entretenir tous les samedis. Il a d’ailleurs fait l’objet, en 2024, d’un prix du Patrimoine naturel remis par la Fondation du patrimoine. Il y a quelques jours, le Tiers-Lieu a revêtu ses plus beaux atours pour la fête du printemps, le samedi 26 avril. Au terme d’une préparation active, la Respélid’ a proposé, dans une ambiance champêtre et décontractée, un marché de producteurs et de créateurs, des ateliers jardin, une visite du Carmel, un concert, un food truck acheté par l’association et, pour clôturer cette journée festive, un bal trad’ sous les platanes…
Un lieu qui fait du bien
Et parce que Avignon est évidemment indissociable de son festival, l’ancien Carmel ouvre ses portes aux visiteurs du Off avec une « programmation lumineuse et alignée » à leurs intuitions. Point d’orgue de l’année pour cette grande maison, l’événement, en 2024, avait mobilisé quarante bénévoles, nécessité six mois de préparation, deux semaines de montage et permis d’accueillir 1 200 spectateurs par jour… En somme, dans une société plus fracturée que jamais, la Respélid’ offre un lieu qui recrée du lien. Attentive aux fragilités de la vie, l’association prépare une grosse levée de fonds pour accueillir prochainement une « coloc’ de seniors » pour « résoudre la dépendance affective, les aider à faire leurs courses », détaille Anne-Claire.
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« C’est un lieu qui fait du bien », confirme David, 28 ans. « Un lieu où les gens se sentent considérés et considèrent les autres », résume celui qui a connu les misères de la rue avant de renaître à la Respélid’. Enfant de la DDASS, il a traversé les difficultés, enchaîné pour survivre les petits boulots de coursier, d’intérimaire ou de maraîcher. Celui qui a connu les foyers sociaux apprécie cet « esprit de cohésion » qu’il n’avait jamais connu auparavant. « Il n’y a pas de médisances ici, pas de tensions. Cela doit être une question d’éducation, analyse-t-il. Je commence à aller à la prière le matin. Ce sont un peu les circonstances qui font que j’ai commencé à y assister, et de plus en plus. »
« Au lieu d’aller me balader en ville, si je peux aider à monter une armoire, réparer un mur ou m’occuper du jardin, j’ai la sensation d’être utile »
Savourant cette nouvelle vie de communauté, il sait qu’« ici, c’est donnant-donnant », mais cela ne lui coûte pas, bien au contraire ! « Au lieu d’aller me balader en ville, si je peux aider à monter une armoire, réparer un mur ou m’occuper du jardin, j’ai la sensation d’être utile, témoigne-t-il. J’avais beaucoup de choses à combler, besoin de pouvoir compter sur des gens et de rendre des services, tout cela m’apporte de la joie et de la satisfaction. » De ses années douloureuses, il reste profondément marqué par le regard que les gens portaient sur lui, ou plutôt par leur indifférence.
Ce soutien moral, qu’il puise dans cette nouvelle colocation, l’« aide à aller bien plus de l’avant que [s’il avait] trouvé un appartement tout seul, car on a besoin les uns des autres ». Grâce à la Respélid’, David retrouve enfin une stabilité professionnelle et émotionnelle. Il a pu décrocher un travail d’auxiliaire ambulancier et apprend à se reconstruire paisiblement.
« On expérimente une vraie bienveillance, et de ce fait, on peut accueillir la fragilité sociale, abonde Anne-Claire. On attire par plein de choses, et on témoigne ensuite ! » Peaufinant son business plan pour l’année prochaine, l’association prouve que « son modèle fonctionne et qu’il est duplicable à d’autres centres-villes », s’enthousiasme Anne-Claire. Alors, avant que la France ne sombre un peu plus dans l’individualisme et la misère morale, gageons que d’autres Respélid’ soient ferments de renaissance et propagent ce joyeux message d’amitié, de charité et de convivialité, au doux nom de résurrection…
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