« J’aimerais qu’il soit plus pédagogue sur Dieu, les Évangiles et leurs significations. » Alexandre, 22 ans, a de grandes attentes à l’approche de l’élection du nouveau souverain pontife. Alors que le conclave débute, plus de deux semaines après la mort de François, le jeune catholique espère un chef de l’Église « plus théologien dans sa manière d’être ». S’il adhérait à la restriction de la messe en latin voulue par le pape François, ce fidèle regrette toutefois certains élans réformateurs du pape argentin : « Il ne s’agit pas de bénir seulement l’amour entre deux personnes, estime-t-il. Le mariage et la bénédiction des couples sont avant tout là pour sanctuariser la création d’une famille par deux êtres qui s’aiment. »
Pour Alexandre, le prochain chef de l’Église de Rome devra également faire preuve de courage et porter un message « de fermeté » s’agissant de « la condition des femmes dans les pays musulmans ». Il est nécessaire, selon le jeune homme, de montrer que la charité chrétienne se soucie du sort réservé aux « Afghanes et aux Iraniennes, qui subissent une répression insoutenable ».
Une figure tutélaire
De son côté, Domitille, jeune femme de 24 ans, espère que le nouveau pape sera « rassembleur et conciliateur ». Pour elle, le futur chef d’État du Vatican doit être un « homme de paix, à l’écoute des aspirations » des fidèles. « Nous avons besoin d’une figure tutélaire qui puisse concilier les différents courants qui scindent l’Église. Une sorte d’arbitre au-dessus de la mêlée, comme de Gaulle l’a été pour la France », confie-t-elle au JDD.
« Faire dialoguer les différentes sensibilités du catholicisme »
La jeune femme, adepte de la messe tridentine, regrette avec beaucoup d’amertume les dissensions internes qui minent l’Église depuis plus d’une décennie. Comme beaucoup de ses camarades catholiques traditionnels, elle confie ne pas s’être « sentie représentée » lors du pontificat du pape François. Dans son entourage, « beaucoup en ont souffert », assure-t-elle. « Au-delà de son combat, louable, contre la pauvreté et contre les guerres, il restera aussi dans l’Histoire comme le pape des migrants. J’aurais préféré qu’il s’en tienne aux catholiques. »
Assurer l’unité de l’Église
Le défi le plus important qui s’imposera au prochain pape ? « Faire dialoguer les différentes sensibilités du catholicisme, tout en préservant l’unité » de l’Église, estime le prêtre Cédric Anastase, qui officie à l’église Saint-Étienne-du-Mont, dans le 5e arrondissement de Paris. L’aumônier de Louis le Grand, de Saint Louis et d’Henri IV, insiste : l’Église « n’a jamais été un bloc monolithique ».
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Un témoignage qui renforce l’analyse de Marco Politi, expert reconnu du Vatican. Selon lui, l’Église laissée par le pape François est « déchirée » entre trois orientations diamétralement opposées. D’un côté, les catholiques traditionalistes s’opposent à la réforme liturgique promulguée par le concile Vatican II et entendent préserver l’héritage et les rites historiques de l’Église, qu’ils jugent à présent trop modernes. C’est le courant qu’incarne notamment le cardinal guinéen Robert Sarah, prélat conservateur aux avis tranchés sur les questions d’homosexualité et d’immigration.
D’autre part, les réformateurs s’inscrivent dans l’héritage du pape François et souhaitent poursuivre les évolutions engagées depuis 2013 par ce souverain pontife « venu du bout du monde ». Majoritaires au sein du Collège des cardinaux (depuis que le pape François a nommé 108 cardinaux électeurs sur les 135 présents), ils incarnent une Église plus ouverte et plus moderne, prête à accueillir davantage de diversité. Parmi eux, le Cardinal Matteo Zuppi, archevêque de Bologne et proche du pape défunt. Enfin, une partie des catholiques espère « un pape de compromis », « conservateur, sans l’être trop », pour reprendre les mots d’Alexandre, jeune fidèle interrogé par le JDD.
Répondre aux abus au sein de l’Église
Isabelle, âgée de 72 ans, est pour sa part favorable à la conciliation entre « tradis » et « progressistes ». Pour cette retraitée, qui appréciait et estimait beaucoup Jean-Paul II, le futur pape devra agir comme « un bon berger ». Un homme de concorde, « qui sache ramener toutes les brebis égarées au sein d’une Église unifiée ».
« On attend de l’Église qu’elle prenne soin des petits, des plus faibles »
« La société actuelle n’est plus la même qu’à mon époque. Le pape, en tant que premier représentant de Dieu sur Terre, doit s’adapter à cette évolution, tout en sachant rester ferme sur les mœurs chrétiennes et les valeurs familiales », développe celle qui ne se dit pas « traditionaliste », bien qu’elle ait « adoré » la messe en latin dans son enfance. Son époux, Paul, qui observe le conclave d’un œil lointain, souhaite pour sa part que le prochain pape « autorise le mariage des prêtres » pour pallier le manque de vocations et la défection des fidèles.
Hostile à la bénédiction des couples de même sexe, le retraité de 74 ans, favorable à un pape traditionaliste, aimerait également que le futur souverain pontife « ne prenne pas position sur des décisions d’ordre politique, comme ce fut le cas avec le pape François lors de la crise des migrants ». Pour le vieil homme, il est avant tout « un messager de la paix » qui, dans un monde de plus en plus fracturé et conflictuel, doit tendre à « la conciliation des peuples ».
« Construire des ponts et non des murs », c’est la métaphore que reprend le père Anastase. Pour le jeune prêtre du diocèse de Paris, le futur pape, en tant qu’« artisan de paix », dispose pour ce faire d’un atout indéniable, à savoir « l’un des plus grands réseaux diplomatiques au monde ». « La puissance diplomatique du Vatican peut agir de façon très discrète et efficace », avance-t-il.
Reste, enfin, un sujet éminemment tabou et auquel le prochain pape devra répondre, selon le père Anastase : les abus sexuels au sein de l’Église. Un avis rejoint par de très nombreux catholiques. « Il y a un lourd travail à faire sur le sujet », juge le jeune prêtre, qui rappelle que l’entreprise fut initiée sous Benoît XVI et reprise par le pape François. « On attend de l’Église qu’elle prenne soin des petits, des plus faibles : elle ne peut se permettre de faire l’impasse là-dessus tout en prêchant la bonne parole, sans quoi l’institution perd toute crédibilité ».
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