Dans les cafés, dans les commerces, sur les affiches publicitaires… À Londres, le port du voile est entré dans les normes. Bien qu’il soit difficile d’avancer un chiffre officiel, il n’est pas rare de croiser des femmes arborant un hijab, ou même un niqab (voile intégral), dans l’espace public. Leur représentation dans les publicités est courante, comme sur la campagne de Transport for London, l’opérateur de transports en commun régi par la mairie de Sadiq Khan. Il est rare que les enseignes du centre-ville refusent à une employée de venir travailler voilée. Parmi la foule déambulant dans les rues de la capitale britannique, en ce long week-end férié pour le premier lundi du mois de mai, la présence d’une fillette couverte d’un voile ne surprend pas près de la station de métro Tottenham Court.
Contrairement à la France, le Royaume-Uni n’est pas un pays laïc et se montre particulièrement libéral sur le port de signes religieux dans l’espace public. La loi Equality Act de 2010 interdit d’ailleurs toute discrimination fondée sur la religion et octroie le droit aux individus de manifester une appartenance religieuse dans les administrations, les écoles ou les entreprises privées. Il est ainsi banal de voir des fonctionnaires du secteur public arborer des couvre-chefs tels que le voile islamique, la kippa ou le turban sikh. Si l’uniforme est de rigueur dans les écoles, les élèves sont toutefois autorisés à porter des signes religieux, y compris le hijab pour les petites filles.
Avant son élection à la mairie de Londres en 2016, Sadiq Khan avait laissé entendre qu’il y avait « une question à se poser » sur les raisons pour lesquelles les femmes portaient des hijabs ou des niqabs. Le port du voile intégral a fait l’objet à plusieurs reprises de critiques, sans que son interdiction ne soit actée.
« Retraditionnalisation » et immigration
Si le port du voile est courant au Royaume-Uni, il soulève, comme dans d’autres pays occidentaux, des craintes quant à des dérives communautaristes. « Le voile est l’un des facteurs de la “retraditionalisation” de personnes nées dans les pays occidentaux », analyse Fatiha Boudjahlat auprès du JDD. L’essayiste et enseignante pointe d’ailleurs « la naïveté anglaise » face à l’avancée du communautarisme outre-Manche : « Cela est lié à la société et à l’histoire anglaise multiculturelle. À cela s’ajoute l’activisme du prince Charles et sa fascination pour l’islam et la culture islamique. Il y a aussi une réalité démographique avec des personnes venues de sociétés tribales très fortes, comme les Pakistanais ou les Bangladeshis. »
Au-delà des pratiques culturelles, l’islamisme a infiltré les rangs de certaines institutions britanniques, dont l’Ofsted. Mi-mars, le gouvernement a nommé Sir Hamid Patel président par intérim de cet organisme chargé d’inspecter et d’évaluer les établissements scolaires. Cet homme est l’ancien directeur de la Tauheedul Islam Girls’ High School, une école dans laquelle le port du hijab et les récitations du Coran étaient notamment imposés. Sir Hamid Patel y avait également invité des prédicateurs religieux comme Abdul Rahman Al-Sudais, connu pour ses prêches antisémites.
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Une enquête du Times, datant de décembre 2024, révélait aussi que Londres serait devenue la « capitale européenne » de la charia. Les musulmans se tourneraient vers des « tribunaux » informels, dans lesquels seraient rendues des décisions religieuses sur le mariage et la vie de famille et qui se substitueraient au droit britannique. Selon Fatiha Boudjahlat, plusieurs centaines de tribunaux de la sorte existeraient désormais au Royaume-Uni et pousseraient de nombreuses femmes issues de familles musulmanes à se soumettre aux lois de la charia : « Quelle femme va prendre le risque, oser s’adresser à un tribunal de la couronne et passer pour une traîtresse aux yeux de sa famille ? »
Pression communautaire
En France, où le principe de laïcité a été instauré en 1905, les agents de la fonction publique sont tenus de respecter une « stricte neutralité », le voile est interdit dans les écoles, collèges et lycées pour les élèves depuis 2004 et, depuis la loi du 11 octobre 2010, les niqabs et burqas sont interdits dans l’espace public. Cependant, Fatiha Boudjahlat estime que la laïcité ne fait que « ralentir le processus car on ne va pas assez loin ». L’auteur d’Abaya, Hijab, Burqa, combattre le voilement, paru en avril 2024, appelle ainsi à renforcer les contrôles dans les écoles.
« On s’est perdu dans le progressisme en Occident. On a été finalement peu laïque avec la religion et trop laïque avec le culte de l’État, avec l’amour de la France », explique-t-elle. D’après l’essayiste, « les jeunes ont grandi avec cela et ne trouvent pas le port du voile choquant. Ce qui nous choque ne les choque plus. » « Si j’étais née maintenant, je serais sans doute voilée. J’aurais grandi dans une société où je me serais dit qu’il n’y a pas d’alternative. Si je veux être pure, si je veux être saine, c’est parce qu’une société me le permet. C’est ce qui se passe en Angleterre », a-t-elle enfin pris pour exemple.
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