
Michel Onfray occupe une place très singulière dans le champ intellectuel, à égale distance du dissident et de l’homme de la Renaissance. Du premier le rapproche d’aller voir ce que dissimulent les façades des villages Potemkine de la pensée. D’user de l’examen raisonné des faits, tous les faits, rien que les faits, afin de pulvériser le carton-pâte des idéologies et respirer l’air purifié de la réalité.
Publicité
La suite après cette publicité
En ouverture, « Une embellie dans les vies difficiles » ne se contente pas d’analyser comment la gauche d’inspiration totalitaire a trahi les idéaux du Front populaire. Une des plus fabuleuses mystifications de l’histoire récente s’y trouve mise à nu, la manière dont les communistes français sont parvenus à faire oublier leur collaboration avec les nazis jusqu’en 1941 : « Après qu’il eut appelé à soutenir le pacte germano-soviétique, le PCF a appelé ses militants à saboter l’effort de guerre français. Il a distribué des tracts pour démoraliser le peuple français. Il a fait savoir sa joie de voir les démocraties dites bourgeoises et capitalistes, conduites par les juifs, vaincues par les troupes nazies. » Et de rappeler que Guy Môquet, au moment de son martyre, se trouvait en prison non pour faits de résistance, mais pour avoir appelé à fraterniser avec l’occupant.
Ainsi que nous en ont instruits Victor Klemperer ou George Orwell, cette falsification de l’Histoire se fonde sur une falsification des mots – le chapitre le plus ravageur consiste en une étude serrée du Relire la Révolution de Jean-Claude Milner (2016). Ouvrage emblématique d’une confusion volontaire où le noir devient blanc, les adorateurs de la guillotine des humanistes hypersensibles, où la mort à petit froid d’un enfant de 10 ans devient une mesure de clémence et l’exercice de la vengeance celui de la justice, etc. Toute l’historiographie d’une certaine gauche marxiste qui n’entend pas seulement faire prendre des vessies pour des lanternes, mais affirmer que les vessies sont des lanternes.
Par sa relecture radicale de 1789, Michel Onfray vient ici taquiner un nerf très à vif du camp progressiste : « La Révolution française qui s’est faite au nom du peuple s’est en fait imposée contre le peuple. » Ou : « En guise d’homme nouveau, Robespierre avorte de Monsieur Homais. » Bien des dents en seront douloureusement agacées, sans trouver à s’apaiser, lorsque Michel Onfray réhabilite deux penseurs maudits, Pierre Boutang et Alain de Benoist, ou met en évidence l’ampleur criminelle de la traite négrière islamo-africaine.
On lira aussi une manière de mini-dictionnaire amoureux de la Normandie, où Charlotte Corday (dont l’auteur est décidément très épris) cohabite avec Arsène Lupin
Avec le second, il partage une curiosité illimitée pour tous les domaines du savoir. En témoignent des textes d’inspiration très diverse, mais unis par une philosophie vitaliste, par une invitation à jouir du monde en tous sens. Le plus émouvant d’entre eux relate une visite chez Pierre Soulages : « Ce qu’il peint est un autoportrait de l’âme en tant qu’elle est une matière faite d’atomes qui bruissent dans le vide. Ce vide est noir : il est le plein de l’être, le plein d’être. » On lira aussi une manière de mini-dictionnaire amoureux de la Normandie, où Charlotte Corday (dont l’auteur est décidément très épris) cohabite avec Arsène Lupin, et l’éloge des fromages du cru avec l’évocation de quelques figures locales du dandysme.
La suite après cette publicité
Ce nouveau volume du Journal hédoniste ou l’œuvre d’un homme libre qui ne l’a pas toujours été : « C’est l’époque où je suis encore prisonnier de ce que l’on peut penser de moi, un vice dont je me suis débarrassé. » Et c’est ainsi qu’Onfray est grand…

Source : Lire Plus






