Bruno Retailleau aura confirmé les augures. Sa victoire à la tête de LR est nette. Plusieurs facteurs y auront contribué. Le premier d’entre eux est à rechercher du côté de la perception de sa personnalité. Celle-ci est apparue empreinte de sincérité, de sobriété, d’humilité. Autant de qualités qui, dans un champ politique soupçonné – souvent à raison – de facticité, constituent un avantage comparatif qui aura sans doute permis de faire la différence avec son concurrent, Laurent Wauquiez.
Un second élément a vraisemblablement permis d’amplifier sa dynamique et ceci dans le prolongement des traits de caractère dont le ministre de l’Intérieur est gratifié : pour appartenir à une droite décomplexée, sans concession, il se sera forgé une image plus fédératrice, moins clivante que celle du président du groupe parlementaire LR, qui lui disputait les suffrages des militants.
Cohérence, longévité et authenticité
Nul ne lui conteste ses convictions, auxquelles il parvient à greffer une habileté tactique que l’on ne range pas pour autant dans la catégorie représentative des vicissitudes politiciennes. L’antériorité de ses engagements, leur longévité sans retournement attestent de la cohérence de l’homme. Restait à échapper au reproche de compromission avec le macronisme finissant — ce à quoi son adversaire a tenté en vain de le ramener. Bruno Retailleau est parvenu d’autant plus à esquiver la critique que sa participation à une coalition gouvernementale relevait non pas d’une initiative personnelle, mais d’une démarche collective.
Il faudra pour le nouveau leader des Républicains ne pas compter sur les seuls aléas rencontrés par le Rassemblement national
Dans la zone de chalandise militante à laquelle, pour la circonstance, il s’adressait, l’angle d’attaque s’est avéré sans prise pour des adhérents qui y auront vu essentiellement un esprit et un acte de responsabilité.
Désormais, l’enjeu pour le nouveau chef de file de la droite conservatrice consiste à démontrer qu’il peut incarner une ligne claire, en conformité aux attentes des larges segments de l’opinion en matière d’autorité, d’identité aussi, d’efficacité in fine du politique à reprendre le contrôle des événements. Deux obstacles à ce stade se dressent devant lui.
Le risque de son passé macroniste
Tout d’abord, ce qui ne lui a rien coûté jusqu’à maintenant mais qui pourrait à l’avenir contraindre ses ambitions : trop prématurées pour l’atteindre, les réserves sur son appariement à un gouvernement composé majoritairement de macronistes seront-elles susceptibles sur la durée de le fragiliser, voire d’hypothéquer l’offre de renouvellement qu’il entend incarner ?
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En d’autres termes, jusqu’à quand la participation gouvernementale des LR est soutenable sans être trop coûteuse politiquement, ce dans un contexte où les moyens de prendre des mesures conformes aux aspirations des électeurs de droite sont pour une grande part entravés ? C’est à cette épreuve que Bruno Retailleau sera vite confronté, à savoir éviter le risque de dilution dans ce qui reste de l’héritage, du passif diront d’aucuns, du président de la République.
Même défait, Laurent Wauquiez n’a pas manqué de pointer à nouveau du doigt cette difficulté, histoire de prendre date. Car se profile derrière cette question stratégique une autre grande interrogation qui demeure fortement structurante pour l’avenir des LR : comment parvenir à ramener dans leur orbite les larges segments électoraux qui nourrissent densément les dynamiques sociologiques du vote RN ? Les problèmes judiciaires rencontrés par Marine Le Pen ouvrent peut-être une fenêtre d’opportunité, mais celle-ci demeure ténue au regard d’une assise sociale profonde et enracinée.
Il faudra pour le nouveau leader des Républicains, certifié dorénavant présidentiable, ne pas compter sur les seuls aléas rencontrés par le Rassemblement national pour échafauder un projet alternatif et de rupture. Il lui sera indispensable, loin du schéma sarkozyste de 2007 de braconage-siphonage de l’électorat lepeniste, d’inventer une autre équation, ne serait-ce que parce que vingt années ont passé et que le RN du duo Marine le Pen/Jordan Bardella n’est plus, loin s’en faut, le FN du père fondateur, Jean-Marie Le Pen : « O tempora, o mores »…
*Arnaud Benedetti est rédacteur en chef de la Revue Politique et parlementaire et professeur associé à l’Université Paris Sorbonne.
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