Il avait réservé sa première vraie tournée depuis son retour à la Maison-Blanche à la péninsule arabique, quatre mois après son retour à la tête de la première puissance mondiale. Dans un monde déstabilisé, et face à la panique de voir les États-Unis se refermer sur eux-mêmes, les pays du Golfe savent que leur stabilité et leur argent ont tout pour séduire Donald Trump, l’homme d’affaires, mais aussi le dirigeant soucieux des intérêts de son pays.
Alors qu’il a taclé le monde entier depuis plusieurs semaines, lui reprochant de ne pas jouer le jeu du libéralisme, le milliardaire a en revanche toujours ménagé l’Arabie saoudite, le Qatar et les Émirats arabes unis. Car il a besoin d’eux et que ces derniers, véritables puissances mondiales mais aussi régionales, ont besoin de lui et en permanence de la légitimité occidentale, encore incarnée par les Émirats arabes unis. De plus, ces derniers pourraient largement prendre le relais des Américains sur le théâtre de permacrise qui mine la région (Gaza, Syrie, Yémen, Liban, etc). C’est le premier pas vers une délégation officielle des affaires qui empestent Washington aux pays du CCG, le Conseil de Coopération des Pays du Golfe.
Le récent voyage de Donald Trump dans le Golfe a clairement été salué comme un triomphe diplomatique et économique. Il faut dire que le président américain avait bien besoin de faire un peu oublier les difficultés qu’il rencontre depuis le 20 janvier dernier dans le règlement des conflits entre Israël et Gaza, et entre l’Ukraine et la Russie. Trump brille dans le mouvement et dans les défis, pas dans l’attente que ses interlocuteurs se décident à conclure un accord. Si Fox News encense le bilan de cette tournée, même le Washington Post reconnaît à Trump son talent pour promouvoir les intérêts américains. Au cours de ce voyage, Donald Trump a annoncé des accords d’une valeur totale stratosphérique de 4 000 milliards de dollars, bien que d’autres analyses plus rationnelles estiment que les accords concrets signés s’élèveraient à 730 milliards de dollars, le reste étant constitué de protocoles d’accord et de promesses d’investissement.
Du business pour l’homme, mais surtout pour les États-Unis
C’est le nerf de la guerre mais aussi de la paix dans la région. Depuis que Washington a annoncé vouloir se désengager du Moyen-Orient, Trump cherche tous les moyens pour que les pays du Golfe prennent le relais dans des conflits en cours ou dans des pays en situation de crise, comme à Gaza ou en Syrie. Avec l’Arabie saoudite, les États-Unis ont fait le carton plein : un accord de 142 milliards de dollars a été signé pour la vente d’armements, accompagné d’une promesse d’investissement de 600 milliards de dollars dans l’économie américaine, notamment dans les secteurs de l’intelligence artificielle et de l’énergie.
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Depuis le désengagement de Washington dans la région, Trump cherche tous les moyens pour que les pays du Golfe prennent le relais
Il se dit même que Trump aurait proposé à Mohamed ben Salmane, le prince héritier saoudien, de gérer Gaza en échange d’une reconnaissance d’Israël, ce qui remettrait en selle la fameuse normalisation entre Tel Aviv et Riyad, tant évoquée avant l’attaque terroriste du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023 et la riposte sans fin du gouvernement israélien contre les Gazaouis. Avec le Qatar, partenaire essentiel des États-Unis dans la région grâce à la présence de la plus grosse base américaine hors-sol à Al Udeid, les affaires sont allées aussi bon train. Doha a signé des accords économiques d’une valeur de 1,2 billion de dollars avec les États-Unis, incluant une commande historique de 210 avions Boeing pour Qatar Airways, évaluée à 96 milliards de dollars. C’est la plus grosse commande d’avions jamais contractée pour la première compagnie aérienne au monde.
Enfin, pour la première visite d’un président américain dans les Émirats arabes unis depuis 15 ans, le bilan est aussi très positif : Abou Dabi a promis un investissement de 1,4 milliard de dollars dans le secteur de l’intelligence artificielle aux États-Unis sur les dix prochaines années. Abou Dabi qui a longtemps insupporté Washington, en violant ouvertement le régime de sanctions imposé au régime de Bachar Al Assad pendant plus de dix ans, et en continuant à envoyer ses hommes d’affaires sur place pendant la guerre civile et après.
Les affaires, encore les affaires
Trump a adopté une approche pragmatique, mettant l’accent sur les affaires et les investissements, ceux de son pays comme les siens. En parallèle, il a en effet plusieurs projets personnels d’investissements et de construction de « Trump Towers », de golfs et de parcs à thèmes dans les trois pays à qui il vient de rendre visite. Pour ses partisans, ce n’est pas un problème, malgré le mélange des genres voire les conflits d’intérêts. La dernière affaire en date, où le Qatar a proposé d’offrir à la Maison-Blanche un nouvel avion Air Force One, en attendant que Boeing ait fini de construire le nouvel aéronef, ne choque pas les Américains MAGA. La réponse de Trump était d’ailleurs cinglante lors d’une conférence de presse : « Alors que les Américains donnent tant de choses au monde entier, serais-je moi assez stupide pour refuser un cadeau ? »
Si certains observateurs saluent ces accords comme un renforcement des relations économiques, d’autres soulignent que de nombreux engagements restent à concrétiser. Néanmoins, cette tournée marque une étape significative dans la stratégie de Trump visant à positionner les États-Unis comme un partenaire économique clé dans la région du Golf malgré un retrait inexorable. En marge de sa tournée dans le Golfe, Donald Trump a intensifié ses efforts pour parvenir à un nouvel accord nucléaire avec l’Iran.
L’Iran, pièce maîtresse de la stabilité régionale, en discussion
Le président américain a confirmé que les États-Unis avaient transmis une proposition à Téhéran concernant son programme nucléaire, exhortant l’Iran à agir rapidement pour éviter des conséquences graves, en échange d’une suppression des sanctions dont souffre grandement le régime iranien. Comme souvent, Trump a exprimé sa préférence pour une solution diplomatique, tout en avertissant que l’option militaire restait envisageable si les pourparlers échouaient.
L’Iran, de son côté, a nié avoir reçu une proposition écrite des États-Unis, soulignant des incohérences dans la communication américaine. Néanmoins, Trump reste optimiste quant à la conclusion prochaine d’un accord, affirmant que les deux parties ont « en quelque sorte » convenu des termes d’un nouvel accord nucléaire. L’avancée des négociations avec l’Iran pourrait marquer un tournant significatif dans la politique étrangère américaine dans la région.
*Sébastien Boussois est docteur en sciences politiques, chercheur monde arabe et géopolitique, enseignant en relations internationales à l’IHECS (Bruxelles), associé au CNAM Paris (Equipe Sécurité Défense), à l’Institut d’Etudes de Géopolitique Appliquée (IEGA Paris), au Nordic Center for Conflict Transformation (NCCT Stockholm) et à l’Observatoire stratégique de Genève (Suisse).
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