Dans l’histoire récente de la vie politique française, il y a une constante et un fantasme. La constante, c’est « l’union des gauches », sans cesse revisitée. Le fantasme, c’est « l’union des droites », sans cesse espérée, sans cesse rendue moralement impossible et politiquement impraticable. Rien n’a changé depuis cinquante ans : c’est François Mitterrand qui, depuis le congrès d’Épinay, tient la baguette.
Le modèle mitterrandien repose sur trois principes : d’abord, la coalition électorale de tous les partis de gauche. Depuis le « programme commun » de 1981, établi sur l’alliance socialo-communiste, la déclinaison est la même : nous avons eu la « gauche plurielle » en 1997, la Nupes en 2022, le Nouveau Front populaire en 2024 : entre les repas, les assiettes volent mais tous les convives se remettent à table, chacun retrouve son rond de serviette.
Discipline républicaine oblige. Le deuxième principe, c’est le dépouillement de la matrice chrétienne. Je me souviens d’avoir interpellé François Mitterrand sur son affiche de campagne : – L’église qui est juste derrière vous, sur la photo, c’est le clocher d’une paroisse voisine de chez moi. Mais pourquoi donc avez-vous choisi cet arrière-plan ? Le président sourit et réplique : – J’ai voulu « jeter une pierre dans le jardin de la cure » et m’adresser à la France conservatrice : le pouvoir d’une idée, c’est son pouvoir d’invasion.
L’impensé est toujours le même : se servir du vote catholique pour l’effacer. C’est ainsi que, depuis mai 1981, le vote catholique résiduel a perdu toutes les batailles sociétales ; la matrice chrétienne ne définit plus rien de ce qui compose les tissus conjonctifs. Le troisième principe, c’est « l’interdit moral ». On s’allie aux communistes mais on interdit toute alliance avec les souverainistes.
Ce modèle mitterrandien a survécu à la double mutation de la gauche, à la fois idéologique – on a troqué le « grand soir » contre le « paradis diversitaire » – et sociologique – on a troqué la clientèle ouvrière contre le peuple migrant. Où est donc passée la droite dans tout cela ?
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La droite assume le réel, la gauche le nie, elle vend de l’utopie
Elle est majoritaire et évanescente. Pour gagner, elle doit retrouver sa légitimité. Et d’abord renouer avec sa filiation : elle a perdu le sens de la nation, elle a abandonné le peuple historique. Pour plaire aux milieux économiques qui réclamaient un prolétariat d’appoint, c’est elle, la première, qui a favorisé l’arrivée d’un nouveau peuple. C’est Giscard qui a substitué à une immigration de travail, une immigration de peuplement. C’est Chirac qui a mis en application le traité de Schengen. C’est la droite bourgeoise et élitaire qui a provoqué l’éclipse de la conscience nationale.
Et c’est elle aussi qui a transféré la souveraineté politique et économique : les traités de Maastricht, d’Amsterdam, de Lisbonne, de Marrakech ont été ratifiés par les gouvernements dits « conservateurs ». La droite ne pourra relever le pays que si elle retrouve la souveraineté et l’identité du peuple historique. Ensuite, la droite doit briser l’interdit moral, brandi par la gauche. Jamais la droite ne pourra vraiment redresser le pays sans l’alliance de toutes les droites. Il faut brûler le cordon sanitaire de Mitterrand. Enfin, la droite doit retrouver son apanage, avec l’esprit d’entreprise – pour refaire une société d’entrepreneurs –, la culture – pour refaire une société de créateurs –, le sociétal – pour refaire une société de voisinage.
La gauche est tout entière contenue dans une réplique du Faust de Goethe, qui fait dire à Méphisto : « Je suis l’esprit qui toujours nie. » La gauche nie le réel. Elle sape, elle se glisse dans les fissures, où elle loge ses amertumes. La droite assume le réel, la gauche le nie, elle vend de l’utopie. La grande question de l’avenir tient à la ligne de partage entre la limite et la non-limite. La droite pose la question : « Pourquoi ? » La gauche, elle, renchérit : « Pourquoi pas ? » No border, no limit. Il y a deux tabous pour la droite à faire sauter : l’Europe et l’union des droites. Oser le bruxellit et faire la grande union sans exclusive. Qui le fera ?
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