Les myriades d’associations communautaires, de commerces ou d’entrepreneurs locaux affiliés ou non à un lieu de culte… La pieuvre fondamentaliste se déploie en France dans tous les domaines : boucheries halal, autoécoles, écoles coraniques, associations sportives ou caritatives, salons de coiffure, collectifs politiques, aides aux enterrements religieux… Le JDD dévoile la cartographie de ces structures islamistes locales qui cherchent à contrôler la population musulmane « depuis le berceau jusqu’au tombeau », selon le renseignement territorial, qui recense aujourd’hui 14 principaux « écosystèmes islamistes », dont huit reliés à la mouvance des Frères musulmans.
Le renseignement distingue deux types d’écosystèmes. Le premier est dit « vertical » : autour d’une mosquée rayonne un ensemble d’associations et de commerces. Le second, dit « horizontal », est structuré autour d’une association principale ou d’un collectif, souvent à visée éducative, humanitaire ou communautaire, autour duquel évoluent des entités sans lien explicite avec un quelconque lieu de culte. De la même façon que les Frères musulmans ont prospéré en Égypte puis dans d’autres pays du monde arabo-musulman sunnite, certains de ces écosystèmes remplacent petit à petit les services publics locaux dans les quartiers défavorisés où ils s’implantent quasi systématiquement.
Une dynamique d’expansion territoriale
À Marseille, l’Association des Bleuets incarne parfaitement le modèle vertical. Installée dans une ancienne galerie marchande, elle gère la mosquée des Bleuets, encore récemment dirigée par l’imam Smaïn Bendjilali, figure influente sur les réseaux sociaux, aujourd’hui poursuivi pour apologie du terrorisme. Grâce à une collecte de près de 200 000 euros, il a racheté trois fonds de commerce pour agrandir ses activités : école coranique, maraudes, soutien scolaire. Son implantation illustre, selon le renseignement, la dynamique d’expansion territoriale de ces structures qui, à terme, se substituent à l’État.
Des structures font appel à la générosité des entrepreneurs
À Valence, l’écosystème repose sur la mosquée Al Forqane, officiellement affiliée à la Grande Mosquée de Paris, mais infiltrée par des cadres fréristes qui ont placé un « homme de paille » à la tête de « l’association islamique de la Drôme ». Autour de ce noyau gravitent plusieurs associations. Parmi elles, La Plume, école coranique à la pédagogie rigoriste qui a contribué en 2014, selon le renseignement, au départ de plusieurs jeunes en zone de combat alors qu’ils suivaient les cours d’un professeur aujourd’hui exilé en Égypte. Ou encore, La Gazelle, dans la Drôme, qui promeut l’émancipation féminine… par le port du voile. Amana, spécialisée dans les rites funéraires, est considérée par les services préfectoraux comme relevant typiquement du séparatisme. Dans d’autres villes, les dirigeants d’association pourraient même « entrer en résistance contre les autorités législatives et exécutives si ces dernières venaient à légiférer contre l’islam », alerte le renseignement. C’est le cas à Grenoble où la Fédération des associations des mosquées de l’Isère est soupçonnée de vouloir mettre en place une société musulmane. Le rayonnement de certains écosystèmes ne se limite pas à un quartier ou à une ville. Le centre islamique à Villeneuve-d’Ascq, financé par des fonds qataris et koweïtiens, projette de devenir un pôle régional en contribuant au financement d’autres structures comme le lycée Averroès de Lille. Celui de Décines va même jusqu’à organiser des fêtes de quartier « en concurrence directe avec les services sociaux et d’animation de la ville », selon le renseignement.
Depuis la loi de 2021 visant à lutter contre le séparatisme, certains imams font profil bas. À Meaux, le prédicateur à la tête de la mosquée Al Badr, qui opposait régulièrement les croyants aux « mécréants », fait preuve de la plus grande prudence depuis une visite menée en octobre 2020 chez lui par les policiers. Autour de lui, l’écosystème propose un accompagnement social complet : aide juridique, sociale, éducative, obsèques religieuses, aide alimentaire et même un forum de l’emploi. Pour se diversifier, les structures cultuelles font appel à la générosité des entrepreneurs arabo-musulmans locaux. À Trappes, les dirigeants de l’Union des musulmans, considérée comme un bastion de la mouvance frériste des Yvelines, ont créé un « fonds d’action pour la justice et la réussite » qui a reçu de nombreux dons du tissu économique communautaire. Ce fonds a été suspendu fin 2023 pour « dysfonctionnement grave ».
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Un paysage associatif partenarial
Direction Cenon, petite commune à l’est de Bordeaux où un écosystème « horizontal », sans mosquée centrale, s’est formé autour de l’association Ombre et lumière. Officiellement dédiée à l’insertion professionnelle via le sport, elle est suspectée de mener un prosélytisme religieux discret échappant au radar institutionnel tout en installant des codes de conduite islamiques dans la vie de quartier. Un commerce « partenaire », FEModest, vend des niqabs, des ouvrages salafistes et des livres de jeunesse illustrés d’enfants sans visage. À Sète, c’est le sport qui est dans le viseur des islamistes. L’association UniCité, qui a développé une influence croissante dans le quartier de l’Île de Thau, miné par le trafic de stupéfiants, attire les salafistes et les délinquants locaux. Elle est étroitement liée au Sète Olympique Football Club qui a choisi d’arborer, pendant les matchs officiels, un maillot vert, couleur traditionnelle de l’islam, avec des symboles religieux : un croissant lunaire et une étoile à cinq branches.
Des territoires réputés moins exposés sont eux aussi soumis à la pression islamiste
À Chambéry, l’écosystème islamiste déploie une forte implication dans la vie politique locale. Le collectif Chambéry à venir fédère plusieurs représentants de la mouvance frériste locale et a mené une campagne très active – et payante – contre le maire sortant en 2020 et en soutenant la gauche locale, « réputée plus investie dans la lutte contre l’islamophobie », constate le renseignement. Non loin de là, à Lyon, le centre Tawhid, géré par l’Union des jeunes musulmans, est le fief historique de la mouvance frériste dans la capitale des Gaules. Cette librairie bibliothèque associative a largement contribué à diffuser la pensée de l’islamologue suisse Tariq Ramadan et agrège une floppée d’associations actives dans la promotion de la norme halal, la mise en relation de free-lance musulmans ou le domaine du service à la personne.
Des territoires réputés moins exposés sont eux aussi soumis à la pression islamiste. Au Havre, l’association Havre de savoir constitue, selon le renseignement, un « relais puissant » de la mouvance frériste en Normandie et n’hésite pas à mettre en avant sur ses supports numériques Othmane Iquioussen, le fils de l’imam Hassan Iquioussen, prédicateur fiché S expulsé de France. Les activités de l’association « s’inscrivent dans la stratégie expansionniste de la confrérie, visant à souder la communauté musulmane autour d’un islam rigoriste et à en faire un acteur incontournable de la vie de la cité », écrit le renseignement. Enfin, dans d’autres villes, l’écosystème est en quête de structuration. C’est le cas à Belfort ou à Thiers où les réseaux sont qualifiés d’« atypiques » car ils se sont bâtis autour d’entités caritatives, commerciales, éducatives ou cultuelles qui collaborent ponctuellement. Sans qu’elles aient, pour l’instant, tissé de véritables liens hiérarchiques entre elles.
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