C’est reparti : des tracteurs tournent autour d’un rond-point, jeudi près de Fontainebleau (Seine-et-Marne). Sur la chaussée, « Agri 77, le retour ». « Cessez d’emmerder ceux qui bossent ! » lance Augustin, un jeune céréalier du sud du département. L’Oise ou le Nord ont aussi résonné des coups de semonce cette semaine, avant une mobilisation remontée dès ce lundi. C’est en effet demain que devait débuter l’examen, en séance publique à l’Assemblée, de la proposition de loi du sénateur LR Laurent Duplomb.
Très attendue, adoptée au Sénat, maintes fois repoussée pour être inscrite à l’agenda du palais Bourbon, elle doit concrétiser la « levée des contraintes » réclamée de longue date par les agriculteurs, jusqu’à la colère qui a culminé il y a un an et demi. Seulement, lors de son examen par la commission du Développement durable, sous la houlette de LFI et des Écologistes, « le texte a été retourné contre nous », s’étranglent les syndicats agricoles.
« Les attentes étaient fortes. La déception est immense. La réaction sera donc à la hauteur », ont tonné la FNSEA et les Jeunes agriculteurs qui seront « lundi devant l’Assemblée nationale pour exprimer le refus de ces pratiques indignes et dire leur volonté de voir le débat se poursuivre ». Des blocages routiers et opérations escargot sont aussi annoncés. « La loi est en train d’être détricotée, le remède va devenir pire que le mal, fulmine Augustin. On a alerté notre député qui nous rétorque qu’il est trop occupé par la fin de vie… On se mobilise donc pour bâcher les radars, ça n’emmerde pas les gens et ça plaît à tout le monde ! » Il s’agit d’alerter sur des attentes intactes qui sont un enjeu vital : « On veut montrer qu’on est là, qu’on est vivants ! Et ça va aller crescendo, selon l’évolution des discussions à l’Assemblée nationale. »
« Les attentes étaient fortes. La déception est immense. La réaction sera donc à la hauteur »
« Et puis on veut l’acétamipride pour les betteraves ! » conclut le jeune agriculteur à la volée. Cet insecticide est devenu le symbole du mauvais génie français de la surtransposition solitaire de normes… Hautement symbolique lui aussi, l’usage crucial de l’eau – alors que c’est au tour du Nord d’être frappé par la sécheresse – a été drastiquement contraint par la commission du Développement durable. Cette dernière est honnie par les partisans de la simplification : « L’irrigation devient interdite de fait… À force, avec cette vision très étriquée, on met des pans entiers de l’économie agricole dans l’incapacité de produire », observe le sénateur Laurent Duplomb, qui veut toutefois rester confiant : « Ils ont été tellement loin, que je fais le pari que ça nous servira plutôt ! On ne peut pas laisser les filières noisette, pomme, endive, nectarine sans capacité à lutter contre les ravageurs ! »
Le sénateur de Haute-Loire, qui a rencontré Gabriel Attal, pense que son texte, soutenu par le gouvernement, peut trouver une majorité : « Quand je vois la lettre envoyée par Marc Fesneau, initialement très sceptique, à tous les présidents de chambres d’agriculture, je me félicite du chemin parcouru ! » L’élu rural suggère que la levée de boucliers en commission répond à un retour de bâton : « Après l’ajout pendant des années de contraintes par angélisme écologiste, ZFE, Zan, etc. Ce prisme ruralicide, liberticide, antisocial est allé trop loin ! Il empêche de vivre en société. Nous parlons d’un intérêt fondamental de la nation ! » Le sénateur, qui creuse ce sillon depuis longtemps, reste prudent : « L’Assemblée, c’est comme si vous jetiez un morceau de viande au milieu des crocodiles ! »
La suite après cette publicité
En cinq jours, 3 526 amendements devaient être examinés, dont 1 540 déposés par les Écologistes et 825 par LFI… « Des artifices pour que le texte n’aboutisse pas », dénonçait Laurent Duplomb. « La discussion de ce texte n’arrivera jamais à son terme », craignaient FNSEA et JA. La Coordination rurale a appelé de son côté le gouvernement à faire usage de l’article 49.3. Vendredi soir, le rapporteur du texte Julien Dive a déposé une motion de rejet cosignée par les groupes de la droite et du centre, pour contourner l’obstruction. Le renvoi en commission mixte paritaire devrait permettre à ce texte de ne pas décevoir encore une fois les espoirs des agriculteurs.
Source : Lire Plus





