
Il y a chez Slawomir Mentzen, le candidat nationaliste de Konfederacja à l’élection présidentielle polonaise, un peu de François Bayrou. Attention… Pas le François Bayrou, Premier ministre de 2025. Mais celui de 2007, arrivé troisième du scrutin, et occupant le devant de la scène dans l’entre-deux-tours, voulant parler à Ségolène Royal comme à Nicolas Sarkozy. Mentzen semble, involontairement, s’en être inspiré. Avec ses 15,4 %, le jeune député de Varsovie joue les arbitres depuis une semaine. Le voilà faiseur de roi sur YouTube, où il a convoqué, sur sa chaîne, les deux rescapés du suffrage, le candidat conservateur du PiS Karol Nawrocki et le candidat de de la Plateforme civique, parti de centre-droit, Rafal Trzakowski. Mentzen, derrière son ordinateur portable, se régale à questionner les finalistes. Que ne ferait-on pour obtenir les clés du palais du Belvédère dans une semaine !
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Nawrocki est un survivant. Tous les sondages le donnaient loin derrière le maire de Varsovie, Trzakowski, avec parfois plus de dix points d’écart. Le candidat du PiS est certes arrivé deuxième mais, avec 29,5 % des voix, il n’est qu’à deux points du maire de Varsovie Trzakowski. On pensait que les Polonais ne s’intéresseraient pas à cette élection. Avec un taux de participation de plus de 67 %, jamais ils n’ont été aussi nombreux, depuis la chute du communisme, à s’être déplacés aux urnes. « Les électeurs polonais sont imprévisibles. Disons qu’une dizaine de pourcents d’entre eux fluctue ou a gardé le silence sur son vote… Ce n’est pas tant le résultat de Nawrocki qui a été mal prédit mais plutôt la percée des deux candidats nationalistes », analyse Dorota Piontek, professeur de sciences politiques à l’université Adam-Mickiewicz de Poznan, Car, au score de Mentzen, il faut également additionner les 6,34 % de Grzegorz Braun, tribun provocateur, exclu de Konfederacja pour ses déclarations passablement antisémites. Un report parfait des voix de Mentzen et Braun sur Nawrocki pourrait propulser ce dernier à la présidence. « Si leurs électeurs se déplacent au second tour, ils voteront massivement pour Nawrocki », prédit Dorota Piontek.
Le candidat du PiS refuse l’adhésion de Kiev à l’Otan
Or Nawrocki, novice en politique, semble avoir fait le calcul du siècle en étant plus droitier encore que le PiS. « C’était une idée de Kaczynski de le désigner car il ne faisait pas partie de l’establishment du parti. Il voulait un candidat qui ne menace pas la direction interne du PiS. Il s’est montré encore plus conservateur et nationaliste que ne l’a jamais été cette formation, en étant encore plus critique envers l’Europe… Ce qui le rend davantage crédible aux yeux des électeurs de Konfederacja », explique Piontek.
Nawrocki n’a pas attendu de passer sur la chaîne YouTube de Mentzen pour lui tendre la main. Le candidat PiS a signé, dès le lendemain du scrutin, « la déclaration de Torun » (du nom de la ville natale de Mentzen), un pacte idéologique en huit points, refusant l’euro, le Green Deal européen et défendant une souveraineté polonaise sans compromis. Une manœuvre habile pour siphonner toutes les voix de la droite nationale au second tour. Jeudi, en face à face avec Mentzen, il s’est même montré critique envers Kaczynski, estimant que celui-ci, connu pour être vieux garçon sans enfant et vivant entouré de chats, avait eu tort d’imposer une loi sur la protection des animaux, restreignant notamment l’élevage pour la fourrure, une activité économique majeure en Pologne. Le candidat du PiS a réaffirmé son opposition à l’envoi de soldats polonais en Ukraine et a promis qu’il refuserait de ratifier une éventuelle adhésion de Kiev à l’Otan. Des thèmes qui plairont aux électeurs de Konferacja.
Trzaskowski n’a pas refusé la rencontre avec Mentzen. Disposant de peu de réserve de voix, le candidat de la Plateforme civique, « serait passé pour un lâche s’il ne s’était pas rendu sur le plateau de Mentzen », explique Piontek. Le maire de Varsovie, perçu comme un libéral en Pologne, avait déjà pris un cap vers la droite inédit pour son parti. « Son équipe a adopté des positions plus dures sur la guerre en Ukraine ou l’immigration pour attirer les électeurs conservateurs », juge Piontek. Serait-ce suffisant pour convaincre les partisans de Mentzen ? « La dynamique est clairement en faveur de Narowcki. La perception a changé, Trzakowski est désormais vu comme un perdant… Même s’il est encore trop tôt pour désigner un vainqueur », souligne Piontek. Les sondages donnent deux ou trois points d’avance à Nawrocki pour le second tour qui se tiendra le 1er juin. Le roi n’est pas encore désigné, mais le faiseur de roi, lui, s’est déjà trouvé une place.
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