La fermeture progressive des petites maternités, envisagée il y a quelque temps déjà, avait notamment pour objectif de rassembler les moyens humains (médecins, obstétriciens, sages-femmes, réanimateurs, pédiatres, infirmières, psychologues) et techniques dans de grandes maternités, capables de faire face 24 heures sur 24 à toutes les situations d’accouchement et de naissance, y compris les plus complexes et les plus à risque.
Or les députés viennent de voter un moratoire de trois ans sur la fermeture de ces petites maternités, en affirmant ainsi lutter contre l’augmentation de la mortalité infantile en France. Moratoire qui a déclenché la colère de nombreux spécialistes en santé périnatale, qui estiment que les mauvais indicateurs de mortalité infantile ne sont pas liés à la fermeture de ces petites maternités.
« C’est faux, explique par exemple le professeur Delphine Mitanchez, présidente de la Société française de médecine périnatale (SFMP). Si c’était le cas, la Suède et la Finlande devraient être en queue de peloton européen en matière de mortalité infantile, car toutes les petites maternités y ont été fermées au profit de grands centres de naissance. Mais c’est exactement l’inverse, ils sont en tête. » Le professeur rappelle effectivement qu’en Finlande comme en Suède, « les fermetures de maternité ont été proportionnellement beaucoup plus importantes qu’en France, et pourtant la mortalité infantile y est d’environ 2 ‰, soit deux fois moins que dans notre pays ».
Car en effet, l’Insee a confirmé, en avril dernier, l’augmentation de mortalité infantile en France, avec des chiffres sans équivoque : à la naissance, la mortalité infantile est passée de 3,5 ‰ en 2011 à 4,1 ‰ en 2024, et pendant les 27 premiers jours de la vie, le pourcentage est passé de 1,5 à 2 ‰ entre 2011 et 2024. En la matière, la France se retrouve donc, en 2024, en queue du peloton européen (23e sur 27e) alors que nous étions en position d’excellence au début des années 2000. Pourquoi une telle dégradation ? Il y a beaucoup d’hypothèses. Mais les députés ont privilégié l’idée que le manque de maternités de proximité serait en cause. « Le moratoire n’empêchera pas les fermetures des plateaux d’accouchement, en raison du manque criant de soignants, de la pénurie d’obstétriciens, de sages-femmes, d’anesthésistes-réanimateurs, de pédiatres pour faire fonctionner toutes les maternités de France », insiste le professeur Mitanchez.
L’augmentation de la mortalité infantile est difficile à expliquer en raison d’un manque de données
D’autant que l’augmentation de cette mortalité infantile est difficile à expliquer en raison d’un manque de données, actuellement, pour le comprendre. Des enquêtes existent, d’autres sont en cours. Mais Delphine Mitanchez répond à la décision parlementaire : « En tous cas, il n’y a pas d’études scientifiques pour dire que la distance à parcourir pour aller à la maternité est un facteur de risque de mortalité infantile, assure le professeur Mitanchez. En revanche, l’analyse de l’Insee a montré que la mortalité est plus élevée, en Seine-Saint-Denis et dans les DOM-TOM. »Il existe en revanche des hypothèses : l’augmentation de l’âge maternel et des grossesses multiples, l’obésité maternelle accrue, la précarité sociale figurent parmi les pistes qui pourraient expliquer ces tristes performances.
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