« On est la dernière roue du carrosse, des contrôleurs avec marqué ‘‘police’’ sur nos gilets. » Ce policier municipal parisien peine à contenir sa colère. Cette semaine encore, en mission sur le Champs-de-Mars, lui et ses collègues ont été pris à partie par des vendeurs à la sauvette. « On est cinq patrouilleurs contre une trentaine d’excités, sans armes, sans pouvoir de verbaliser, sans possibilité d’arrêter qui que ce soit. Et quand on nous chamaille, on n’a même pas le droit d’utiliser nos gazeuses ou nos matraques sinon la hiérarchie nous tape sur les doigts. On doit alors appeler la Police nationale pour qu’elle vienne nous servir de baby-sitter, c’est de la folie ! »
Un ras-le-bol qu’expriment, depuis des mois, les quelque 30 000 policiers municipaux français. Privés du statut d’officiers de Police judiciaire (OPJ), non habilités à réaliser des enquêtes, interdits de placer en garde à vue ou d’effectuer un contrôle d’identité, les agents se plaignent d’être relégués à une police de second rang. Mais leur statut pourrait évoluer. Dans les cartons du gouvernement, un projet de loi se prépare. Tout droit sorti du « Beauvau des Polices municipales », l’exécutif planche sur un texte octroyant à celles-ci de nouvelles prérogatives, comme la possibilité de mettre des amendes forfaitaires délictuelles ou d’obtenir l’accès à certains fichiers confidentiels. Si l’examen du texte n’aura pas lieu « avant l’automne » selon François-Noël Buffet, ministre auprès de Bruno Retailleau, les contours de cette nouvelle loi se dessinent.
« Ce que l’on veut, c’est le statut d’OPJ, la possibilité de faire de l’enquête, de contrôler l’identité d’un délinquant ou, tout simplement, pouvoir demander à un automobiliste s’il est titulaire d’un permis de conduire ! » explique au JDD Tarik Mouachi, responsable parisien du syndicat UNSA Police municipale. Des demandes auxquelles le gouvernement devrait souscrire, là où d’autres, plus sensibles, risquent de se heurter à un mur. « On veut aussi accéder au fichier des personnes recherchées (FPR), poursuit Tarik Mouachi. Si on contrôle un individu recherché pour meurtre ou trafic de stupéfiants, on ne le sait même pas et il nous filera entre les pattes. » Impossible, répondait, mercredi soir, François-Noël Buffet en commission des lois. Pour justifier son refus, le ministre a expliqué que les « fichiers de renseignements », trop sensible, « ne pouvaient pas être rendus accessibles à la Police municipale ».
Si les prérogatives de cette « police de proximité » ne devraient pas égaler celles de sa grande sœur, la Police nationale, l’extension des droits des agents municipaux sur la voie publique est attendue par de nombreux maires. Parmi ces voix, Jean-Luc Moudenc, maire de Toulouse. « Les lois qui encadrent la Police municipale datent d’un quart de siècle. Et en un quart de siècle, la France a beaucoup changé. Il y a un décalage entre la réalité de la délinquance et les missions de nos policiers », commente l’édile auprès du JDD. Mais un blocage persiste.
L’attribution de compétences d’officiers de police judiciaire placerait de facto les agents municipaux, habituellement sous l’autorité du maire, sous l’autorité d’un procureur. « Ce à quoi plusieurs maires refusent de souscrire », reconnaît Jean-Luc Moudenc. Pour ne contraindre personne, Beauvau veut mettre en place une « boîte à outils » à disposition des maires, qui décideront s’ils veulent, ou non, augmenter les prérogatives de leurs agents ; au même titre que la dotation en armes à feu.
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Beauvau veut offrir aux maires une « boîte à outils »
Attendu de pied ferme par les syndicats, le texte de loi a encore du chemin à faire. « Il ne faudra pas oublier la dimension sociale, tient à rappeler Tarik Mouachi. Une augmentation de nos compétences doit s’accompagner d’une revalorisation des salaires et des retraites. » Quitte à risquer la fronde. « On se fera entendre dans la rue s’il le faut ! » prévient le policier. Prochaine étape pour le projet de loi, le Conseil d’État, qui pourrait, comme l’avait fait le Conseil constitutionnel en 2021, mettre à mal les desiderata des policiers municipaux.
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