Le 81e congrès du Parti socialiste passe largement sous les radars. Le premier secrétaire sortant Olivier Faure est arrivé en tête au premier tour (42,2 %), devant le maire de Rouen Nicolas Mayer-Rossignol (40,4 %). Le courant porté par Boris Vallaud a, lui, été relégué en troisième position (17,4 %). En posture de faiseur de roi, le patron des députés socialistes a annoncé qu’il votera pour Olivier Faure lors du second tour ce jeudi 5 juin.
Mais le Parti socialiste se trouve dans une position délicate. Historiquement hégémonique à gauche, il s’est effondré depuis le quinquennat de François Hollande, jusqu’à atteindre le score cataclysmique de 1,74 % à la présidentielle de 2022. Celui qui remportera le congrès se verra donc confier la tâche insurmontable d’enrayer la déliquescence du parti à la rose.
Le JDD. Seule la moitié des 40 000 adhérents a voté au premier tour du congrès. Très loin des 200 000 cartes du début des années 2000. Qu’est-ce que cela dit du Parti socialiste ?
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Jean Garrigues. Cela dit que le Parti socialiste traverse sa crise la plus grave depuis la création de la SFIO en 1905. Son niveau de fragilité est bien pire encore que celui qu’il avait rencontré au début de la Ve République, quand le parti avait été très affaibli par le projet porté par le général de Gaulle. Pour faire un point historique, le Parti socialiste s’est ensuite reconstruit grâce à la candidature de François Mitterrand en 1965, même s’il n’était pas membre de la SFIO. François Mitterrand a ensuite réussi à fédérer les socialistes derrière lui avec une stratégie claire : prendre l’ascendant sur le Parti communiste qui représentait la gauche de la gauche, c’est-à-dire La France insoumise d’aujourd’hui.
Que s’est-il passé depuis pour que le Parti socialiste devienne marginal ?
Il a perdu toute une partie de son électorat qui faisait sa puissance, c’est-à-dire les ouvriers et les employés, au bénéfice du Rassemblement national. Ça s’est produit par manque de proposition idéologique alternative. Mais aussi en se tournant vers les sujets de société et les minorités plutôt que vers les enjeux sociaux des couches populaires. Les résultats de 2017 et 2022 ont clairement témoigné de cette perte d’électorat. Mais le véritable problème tient au fait que les catégories populaires ne se reconnaissent plus dans le Parti socialiste.
« Aujourd’hui, le Parti socialiste n’a ni idées originales ni incarnation
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Le Parti socialiste ne semble justement plus avoir d’idées claires. Les clivages sont davantage stratégiques qu’idéologiques…
Ce qui a fait le succès du Parti socialiste au XXe siècle, c’est qu’il avait des idées. Elles se concrétisaient par un projet alternatif, qui était la défense du mouvement social. Puis il avait des incarnations fortes avec Jean Jaurès et Léon Blum. Plus tard, il y a eu François Mitterrand. On peut même dire qu’en 2012, François Hollande avait aussi réussi à incarner quelque chose, autour de la lutte contre la finance. Aujourd’hui, le Parti socialiste n’a ni idées originales ni incarnation. Ce qui explique pourquoi la direction avec Olivier Faure s’est alignée sur La France insoumise à plusieurs reprises. LFI est dotée d’un tribun avec Jean-Luc Mélenchon, qui est capable de rassembler une partie du peuple de gauche.
Les deux finalistes du congrès, Olivier Faure et Nicolas Mayer-Rossignol, peuvent-ils réussir à créer quelque chose de nouveau ?
J’ai du mal à voir ce qu’ils peuvent créer ou incarner de nouveau. L’éco-socialisme, c’est bien beau, mais c’est aussi porté par les autres partenaires de gauche. Ce qui pourrait faire la différence, c’est une alternative social-démocrate. S’inscrire dans l’évolution du socialisme depuis 30 ans, pas seulement en France, mais en Europe. Retrouver cette identité qui a été perdue au moment du quinquennat de François Hollande. Mais c’est compliqué, parce que c’est précisément cette identité que certains appelaient social-libérale qui a suscité une fronde chez une grande partie des socialistes, les poussant à s’allier avec La France insoumise. Tout le problème est que ce sujet n’a pas été tranché par Olivier Faure.
On a quand même l’impression que c’est plus clair pour le courant porté par Nicolas Mayer-Rossignol. En outre, cette solution social-démocrate est la seule qui peut ramener les socialistes au pouvoir. Ou en tout cas, les faire redevenir une force de gouvernement. Aucune alternative n’existe. La gauche n’a jamais été au pouvoir quand la gauche de la gauche était plus puissante que les modérés. Par exemple, quand les communistes pesaient plus que les socialistes et aujourd’hui tant que les Insoumis pèseront plus que les socialistes.
Y a-t-il des éléments d’optimisme pour le Parti socialiste ?
D’abord que la ligne de Nicolas Mayer-Rossignol soit au coude-à-coude avec celle d’Olivier Faure. Ce qui traduit une intention de revenir à la social-démocratie. Ensuite, le fait que les élections municipales soient le prochain scrutin (en mars 2026, NDLR.). Elles sont historiquement plus favorables au Parti socialiste qu’à La France insoumise ou au Rassemblement national, car elles permettent de s’appuyer sur les traditions locales et les ancrages de notables. Ils peuvent donc espérer se renforcer lors de ces élections, même si la situation reste très difficile.
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