Messes interdites, sacrements refusés, ordinations suspendues, prêtres écartés… Depuis quatre ans, les fidèles catholiques attachés à la liturgie traditionnelle sont mis à rude épreuve. Pendant plus d’une décennie, ils avaient pourtant connu une forme d’apaisement. En 2007, Benoît XVI avait libéralisé la messe dite « tridentine », en usage avant le concile Vatican II, en autorisant sa célébration partout où des fidèles en faisaient la demande. Mais en juillet 2021, le pape François a mis un coup d’arrêt à cette ouverture liturgique, affirmant, avec le motu proprio Traditionis custodes, que le seul rite en vigueur dans l’Église latine est celui issu de Vatican II, et confiant aux évêques le pouvoir de restreindre l’usage de l’ancien rite.
En France, cette reprise en main s’est traduite par des applications contrastées selon les diocèses. Certains évêques ont fait le choix de ne pas remettre en cause la célébration du rite tridentin. D’autres ont appliqué le texte avec rigueur, voire avec une certaine intransigeance, allant jusqu’à l’interdire ou à écarter de leur diocèse des prêtres « tradis » malgré la confirmation par le pape François du charisme propre de leurs communautés.
Ainsi, à Quimper, en 2023, et aujourd’hui à Valence, la Fraternité Saint-Pierre a été remerciée. Dans le diocèse de Fréjus-Toulon, les ordinations des Missionnaires de la Miséricorde divine sont bloquées depuis deux ans, laissant cinq candidats, et bientôt six, dans l’attente. Un pèlerinage vers le Mont-Saint-Michel, qui devait laisser à chaque chapitre la liberté de rite, a dû renoncer à toute messe tridentine. Les organisateurs du pèlerinage de Chartres, fer de lance du monde « tradi », se sont vus demander d’autoriser les prêtres participants à célébrer la messe selon le rite moderne. Derrière ces décisions, ce sont aussi des parcours de vie et des cheminements spirituels qui se trouvent heurtés. « J’ai découvert la messe tridentine à l’adolescence. Je souhaitais me marier dans ce rite plus marqué par la sacralité, comme c’était possible jusque-là dans le diocèse, raconte Pierre, marié l’an dernier à Tours. Mais à la dernière minute, l’évêque a décidé de l’interdire. J’ai dû à la hâte faire appel à un prêtre que je ne connaissais pas, pour une messe Paul VI [le nouveau rite, NDLR] »
Un prêtre « tradi » rapporte : « Un couple de sexagénaires, converti en découvrant la foi à travers les messes que je célébrais, m’a demandé le baptême. Mais l’évêque refuse que je le leur administre. Ne comprenant pas pourquoi un autre prêtre devrait s’en charger, ils préfèrent attendre. La situation est donc bloquée. »
Selon l’abbé Matthieu Raffray, supérieur du district d’Europe de l’Institut du Bon-Pasteur, la situation actuelle relève d’« une véritable persécution ». « Je ne comprends pas que des évêques cherchent à supprimer une pratique liturgique enracinée dans la tradition et qui attire de nombreux jeunes en quête d’une foi plus structurée, s’étonne-t-il. Il serait naturel d’encourager ce qui porte du fruit. » L’abbé Jean-Raphaël Dubrule, supérieur des Missionnaires de la Miséricorde divine, partage ce constat : « Les fidèles, surtout les jeunes, ne sont pas des militants d’un rite : ils trouvent dans la forme ancienne une manière authentique de s’unir au Christ et cherchent avant tout une liturgie et une formation doctrinale solides, sans édulcoration », dans un monde « marqué par le relativisme ». De son côté, le chanoine Louis Valadier, provincial de France de l’Institut du Christ-Roi, appelle à « l’apaisement, dans une vraie bienveillance mutuelle », rappelant que « l’unité de l’Église n’a jamais signifié l’uniformité ».
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L’élection d’un nouveau pape fait naître de nouveaux espoirs chez ces prêtres. L’abbé Raffray voit un signe encourageant dans ses paroles récentes sur la transcendance et la religiosité des rites orientaux. « Le pape a exhorté ces Églises à rester fidèles à leur tradition, et a même suggéré que l’Occident pourrait s’en inspirer ! » indique-t-il. Pour l’abbé Dubrule, certains accents du début de pontificat de Léon XIV nourrissent l’espérance des fidèles. Il relève notamment son souci des vocations : « Dans son message aux évêques de France, il insiste sur leur enracinement dans un contexte familial. Tout cela, on ne l’entendait presque plus sous François », souligne-t-il. Autre signe positif selon lui : « Ce n’est plus un discours horizontal pour plaire au monde, mais un rappel clair de la mission de l’Église : conduire les âmes au salut. »
Toutes les communautés « tradis » en témoignent : depuis Traditionis custodes, les fidèles n’ont pas déserté, bien au contraire, et les vocations continuent d’affluer dans leurs séminaires. Reste à savoir si le pape Léon XIV saura reconnaître, dans cette ferveur persistante, une chance pour l’Église.
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