
«À’men’donné, va falloir clarifier. » Pas de doute, nous sommes dans le Sud. À Mandelieu-la-Napoule précisément, charmante commune balnéaire lovée au pied du massif de l’Esterel. À l’ombre d’un store bayadère, étendu sur une chaise longue dans sa loggia, Jean-Pierre, 76 ans, parcourt Nice-Matin, l’œil toujours attentif à la rubrique politique. « Entre Estrosi, Ciotti, Lisnard et les Tabarot, c’est un peu Dallas ici ! » plaisante ce retraité de l’industrie papetière. Comme 80 % des Mandolociens, Jean-Pierre vote à droite. Sarko en 2007 et 2012, Fillon en 2017, Pécresse – « à contrecœur » – en 2022. Et dans deux ans ? Sans doute Bruno Retailleau s’il prend une avance décisive sur ses concurrents.
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« Quel meilleur moyen de les mettre face à leurs responsabilités ? »
Encore faut-il qu’il parvienne à se démarquer. Or, notre homme l’admet sans détour : à quelques nuances près, il ne voit pas très bien ce qui distingue le Vendéen d’un Barnier, d’un Lisnard ou d’un Bertrand. Jusqu’ici opposé au principe de la primaire, il commence à envisager cette option. Tout comme le maire LR de la commune, qui nous reçoit dans son vaste bureau de l’hôtel de ville. Sébastien Leroy plaide pour une primaire la plus large possible, de Zemmour aux centristes : « Quel meilleur moyen de les mettre face à leurs responsabilités, leur bilan et leur parcours ? »

Le coup de griffe vise surtout Édouard Philippe, dont le titre du dernier ouvrage, Le Prix de nos mensonges, fait tousser l’édile : « “De ses mensonges” eût été plus adapté. À l’heure de l’addition, il en est presque à expliquer qu’il ne connaît pas Emmanuel Macron… » Une exaspération partagée sur le terrain de pétanque, en contrebas de l’hôtel de ville. Comme son maire, Jean-Claude, 84 ans, peste contre ces politiques au bec enfariné : « Les Philippe et Darmanin se sont jetés corps et biens dans les bras de Macron, et ils pensent qu’on va passer l’éponge ! » Lui plaide en faveur d’une alliance de droite allant idéalement de Bruno Retailleau au Rassemblement national. « Mais si c’est Lisnard, ça me va aussi ! », concède-t-il. Encore traumatisé par le précédent Pécresse en 2022, il préférerait, à tout prendre, éviter de passer par la case primaire. Il s’y résoudra si aucune figure ne se détache dans les prochains mois.

Un scénario dont rêve, à quelques kilomètres de là, sur la Riviera, le maire de Cannes, David Lisnard. Depuis plusieurs mois, le président de l’Association des maires de France affiche ses ambitions pour 2027, mais peine souvent à faire entendre sa voix. Édouard Philippe impose ainsi la retraite par capitalisation dans le débat en une matinale radio, quand David Lisnard défend cette idée depuis des années dans une relative indifférence. Pour le patron de Nouvelle Énergie, l’organisation d’une primaire reste le seul moyen de sortir du ghetto, même si lui préfère mettre en avant un sujet d’efficacité électorale : « La multiplicité des offres à droite rend les choses illisibles pour les électeurs. Une compétition est le meilleur moyen de les différencier, de débusquer certaines hypocrisies… »
Dans les rues du centre-ville, l’idée fait doucement son chemin. Retenant tant bien que mal un carlin hors d’haleine, Sophie, la cinquantaine, ne voit pas pourquoi un projet prévaudrait sur un autre. Venue à la politique par Sarkozy en 2007, cette Yvelinoise exilée à Cannes a voté Retailleau « des deux mains » lors du Congrès LR. Satisfaite, mais lucide : « On était 120 000 à voter, ce n’est pas exactement ce qu’on appelle le peuple de droite. » Et d’ajouter : « Je n’ai pas voté pour un candidat à la présidentielle. Alors une primaire, oui, ça me paraît une bonne idée. » Elle, comme David Lisnard, feraient bien de ne pas trop s’y accrocher. L’historien des droites Gilles Richard juge ce scénario hautement improbable : « De gauche à droite, les dernières primaires ont eu des effets catastrophiques. Les mêmes causes produiront les mêmes effets. Ce n’est pas une bonne idée. » Reste à en convaincre David Lisnard, Xavier Bertrand… et les autres.
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