
« Entre eux, il n’y a pas photo. » Le constat sort de la bouche d’un ministre macroniste. Pas exactement un compagnon de route du RN, mais lucide sur l’état des forces. Lorsqu’il faut faire passer un texte, les options sont limitées : « C’est LFI ou le RN. Et franchement, le choix est vite fait. On travaille plus facilement avec certains députés RN qu’avec la gauche. » Une phrase qui suffit à mesurer l’évolution en cours. Depuis plusieurs mois, l’Assemblée nationale est le théâtre d’un rapprochement discret mais réel, dans lequel les votes s’alignent. Sur la sécurité, l’audiovisuel public, les éoliennes… Les étiquettes subsistent, mais les voix, elles, s’additionnent différemment.
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Marine Le Pen, une interlocutrice centrale
Il y a peu encore, l’union des droites relevait presque du blasphème. Un chiffon rouge agité par la droite chiraquienne, piégée depuis des décennies dans le jeu mitterrandien du cordon sanitaire. Aujourd’hui, le cordon s’est rompu en plusieurs points. Les enquêtes d’opinion l’attestent : une majorité d’électeurs LR et RN sont favorables à un rapprochement, et plus si affinités, et cela tourne au plébiscite chez les sympathisants Reconquête et UDR d’Éric Ciotti. L’électorat n’est plus cloisonné. Et adresse une question simple aux états-majors : pourquoi maintenir des murs entre des forces qui, sur l’essentiel, votent déjà ensemble – à Strasbourg comme à Paris ?
Une majorité d’électeurs sont favorables à un rapprochement
Au RN, Jordan Bardella joue par moments franchement l’ouverture, reprenant les argumentaires de la droite « classique ». Marine Le Pen, elle, n’est plus une sulfureuse, mais une interlocutrice centrale et respectée. Leurs entourages échangent régulièrement avec ceux de Bruno Retailleau et de Gérald Darmanin. Plusieurs dîners n’ont-ils pas réuni autour de la même table les figures RN et celles du « socle commun » – Édouard Philippe et Sébastien Lecornu. « Ce qui était impensable hier devient praticable aujourd’hui, résume un proche de François Bayrou. On ne se parle pas parce qu’on s’aime, mais parce qu’on n’a plus le choix. »
Chez LR, Bruno Retailleau veut redonner du souffle à une droite conservatrice, sécuritaire, enracinée. Sur le régalien, les convergences avec le RN sont réelles. Sur l’économie, le fossé persiste. Mais pèse-t-il si lourd ? Dans les mois à venir, toute réforme ambitieuse passera par l’accord tacite ou exprimé du RN. « Vu l’arithmétique de l’Assemblée, on doit parler à tout le monde et ça ne nous dérange pas de faire voter nos textes avec le RN », glisse l’entourage du ministre de l’Intérieur. Éric Ciotti, lui, a cessé d’hésiter. Il a franchi le Rubicon l’an dernier. En tendant la main à Jordan Bardella, il a fait ce que les autres n’osaient que chuchoter sous cape. Il n’est certes plus président des LR, mais il a fait bouger son centre de gravité.
Le scénario se répète en Europe
Enfin, Éric Zemmour n’a pas dévié de sa ligne de 2022, lorsqu’il était le seul à faire campagne explicitement sur l’union des droites. Reconquête n’a pas percé dans les urnes – malgré un honorable 7 % à la présidentielle – ni envoyé le moindre député à l’Assemblée. Mais le parti continue d’alimenter les débats sur les thèmes identitaires, notamment grâce à Sarah Knafo. L’omniprésente députée européenne concentre l’attention et soigne ses réseaux. « Elle a beaucoup de contacts avec la droite traditionnelle », glisse un sénateur LR. Laurent Wauquiez a proposé de travailler avec elle. Et, en privé, Gérald Darmanin confie qu’il pourrait s’y résoudre.
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Ce qui se joue en France a déjà essaimé en Europe. En Suède, aux Pays-Bas, en Italie, les droites gouvernent ensemble. Le cas Meloni, souvent brandi par les partisans de l’union, en est l’exemple le plus éclatant, même pour les plus réticents. Partout, le scénario se répète : l’électorat ouvre la voie, les appareils suivent. En France, les électeurs ont cessé de s’interroger sur l’origine des candidats. Ils veulent savoir qui parle pour eux. Le reste – les étiquettes, les anathèmes, les postures – n’est plus un label. Le cordon est rompu.
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