Le JDD. L’Assemblée a voté contre les ZFE. Criez-vous victoire ?
Alexandre Jardin. Oui, c’est extraordinaire. Je ne m’attendais tout de même pas à une attaque frontale du Président contre un vote souverain du Parlement. Il est le garant des institutions, c’est assez glaçant. Quand j’ai appris qu’il demandait à ses députés, pour torpiller les ZFE, de voter contre leur propre loi de simplification, là, on était vraiment dans une crise de régime.
« Crise de régime », à ce point ?
C’est un sujet fondamental : c’est une loi coercitive, qui touche aux libertés publiques… Et si cette manœuvre assez sordide avait réussi, tout à coup, on aurait été dans un pays qui changeait de nature : le peuple ne pouvait plus s’exprimer. S’il ne peut le faire par la voix des urnes, si on lui refuse un référendum, que reste-t-il ?
« Un modèle pensé pour un pays qui n’existe pas »
Vous n’avez gagné qu’une bataille à l’Assemblée…
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Je crois que pour la suite, le risque n’est pas tellement du côté du Sénat ou de la Commission mixte paritaire : là, on a une majorité, ce qui est logique car les sénateurs sont proches des maires par nature, ils ne pouvaient pas être favorables à ce genre d’ignominie ! Mais si le Président active ses relais au Conseil constitutionnel pour déclarer la guerre au Parlement, à la majorité des maires, à huit Français sur dix, le combat devient compliqué. Évidemment, il dira qu’il n’y est pour rien, mais tout le monde a bien compris qu’il est engagé jusqu’au cou.
Et quand vous entendez certains ministres du gouvernement qui prennent acte mais ne renoncent pas à faire adopter les ZFE, éventuellement aménagées ?
Je les invite à méditer le sens du mot démocratie.
Vous aviez annoncé d’autres combats. Vous avez été servi cette semaine !
Oui, avec le vote pour un moratoire sur les éoliennes, un amendement adopté jeudi de manière transpartisane. Derrière la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE3) à plus de 300 milliards qu’ils essayaient de faire passer par décret, la question fondamentale, c’est la facture d’électricité des Français. Consent-on à ce qu’elle double, ou pas ? Il faut financer des investissements qui sont purement idéologiques, puisque nous avons suffisamment d’électricité décarbonée avec le nucléaire et l’hydraulique. Les producteurs d’éoliennes bénéficient d’une garantie d’achat du mégawattheure à 200 euros. Or, le prix du marché est à 25. C’est un scandaleux racket organisé du peuple français avec prélèvement automatique… sans nécessité ! Et puis, ce plan infernal, c’est aussi le bétonnage du fond des mers : il s’agit de ceinturer la France de mâts en acier…
« Un « gueux », c’est un Français méprisé qui n’est plus traité comme un citoyen »
C’est pour cela que vous mobilisez les pêcheurs le 28 juin ?
Les pêcheurs ont compris qu’ils se battent aussi pour la facture des Français. Pour eux, c’est existentiel : le fioul représente une charge importante. S’ils sont obligés d’aller pêcher plus loin, il devient absolument impossible de sortir un salaire parce qu’ils ne vont pas pouvoir répercuter ces coûts sur le prix du poisson. Ce serait la fin de la pêche artisanale. Donc, ils se battent le 28 avec la Coordination rurale. C’est l’alliance des gueux des mers et des gueux de la terre ! Un « gueux », c’est un Français méprisé qui n’est plus traité comme un citoyen.
Vous avez offert un écho aux critiques qui avaient été émises à l’encontre de la PPE3. Mais que proposez-vous ?
Rien ! Enfin, c’est une manière de souligner que nous n’avons pas besoin de se lancer sans discernement dans ces folies. Ça n’implique pas de casser tout ce qui a été fait : on a déjà déconné, on ne va pas en rajouter ! Mais un moratoire permet de temporiser jusqu’à ce qu’on voie clair sur un « mix » délibéré en s’appuyant sur des besoins réels, socialement acceptable et respectueux de notre environnement. Je ne comprends même pas comment des pseudo-écolos ont pu oser défendre le bétonnage des mers !
Ne vous attaquez-vous pas cette fois à un sujet trop gros ? Quels seront les prochains ? Jusqu’où irez-vous ?
Le prochain, ce sera le DPE [Diagnostic de performance énergétique, NDLR]. Croyez-moi, on ne manque pas de sujets ! Le point commun entre toutes ces mesures, c’est une conception de l’écologie qui ne correspond pas aux classes populaires. Tout le modèle a été pensé pour un pays qui n’existe pas. Dans la vraie vie, vous avez une crise sociale, 22 % des Français sont dans le rouge à partir du 15 du mois. Et il vous faut payer une facture d’électricité qui va doubler, être viré des villes où vous auriez peut-être besoin d’aller travailler… Oui, on doit remettre à plat tout notre modèle. Pas pour « l’acceptabilité », ce terme horrible des bourgeois verts, mais pour se tourner vers une écologie qui n’est pas normative et punitive. Et qui part du terrain, des communes notamment : regardez la qualité de l’air incroyable à Orléans, par exemple ! Et aucun sujet n’est « trop gros » : qui aurait parié sur la chute des ZFE ? Le peuple a compris qu’il pouvait gagner. On est en train de remettre l’église au milieu du village. Leur système est arrivé à détruire le logement, l’agriculture, l’automobile, l’énergie… On arrête, non ?
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