
Le téléphone vibre. L’écran s’allume. Un nom s’affiche : Marine Le Pen. « Elle propose qu’on se parle “rapidement” », écrit Éric Ciotti. Un message bref, presque banal. Mais en une fraction de seconde, tout bascule. Quarante ans de cordon sanitaire s’effacent. Le fameux « piège mitterrandien » vole en éclats. Dans Je ne regrette rien (Fayard), Éric Ciotti revient sur ce moment et retrace le chemin – rencontres, doutes, ruptures – qui l’a conduit à s’allier avec le RN. Tout bascule dans les heures tendues qui suivent la dissolution. Il annonce alors, à la surprise générale, ce que d’autres à droite n’osaient qu’effleurer : une alliance avec le RN. « Je ne m’étais pas senti aussi bien en accord avec moi-même depuis longtemps », écrit-il. Peu lui importent les cris d’orfraie : sur le terrain, dit-il, il entend autre chose. Des « retours enthousiastes », des poignées de main, des félicitations. Le divorce est consommé.
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Pendant des années, Éric Ciotti a rejeté toute alliance avec le Rassemblement national et désigné Marine Le Pen comme une adversaire. Aujourd’hui, il la couvre d’éloges : une « femme bien », « redoutable stratège », « fidèle », « calme ». Le tournant, dit-il, s’est joué à l’hiver 2023, lors d’un vote commun à l’Assemblée. Depuis, il assume. S’il admire Marine Le Pen, c’est aussi pour sa manière de faire émerger les jeunes, quand Les Républicains, eux, « brisent leur élan ». Il cite Jordan Bardella, « débatteur redoutable », « loyal », avec qui il entretient une relation « amicale ». L’alliance, officialisée en 2024, était en gestation depuis longtemps. Depuis 1998, affirme-t-il, quand Chirac et Sarkozy imposent une ligne rouge à ceux qui parlent au FN. Ciotti ne s’y est jamais plié. Et il en reste convaincu : « La droite finit toujours par tomber quand elle penche à gauche. »
À travers ce récit personnel, Ciotti dresse le tableau d’une droite affaiblie, obligée de composer avec le RN
Un an plus tard, Éric Ciotti ne regrette rien de sa rupture avec Les Républicains. Il décrit son ancien parti comme une « succursale d’un macronisme agonisant » et une « voiture-balai de François Bayrou ». Il déroule le fil de ses désillusions : le ralliement de Jacques Chirac à Maastricht, ou le quinquennat de Nicolas Sarkozy, à la fois « apothéose » et « malédiction » pour la droite. Le livre mêle confidences et règlements de comptes : un ministère de l’Outre-mer offert pour solder une querelle entre Sarkozy et Estrosi ; des SMS nocturnes d’Emmanuel Macron. À travers ce récit personnel, Ciotti dresse le tableau d’une droite affaiblie, obligée de composer avec le RN. Et 2027 ? Il cite, comme une prédiction, les mots de Michel Houellebecq, glissés lors d’un déjeuner asiatique : « Marine Le Pen sera élue. » Lui n’a pas l’intention de rester au balcon.

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