Est-ce un coup de chaud lié à la canicule ? Happés par leur bataille de congrès, de censure les socialistes ne pipaient plus. Ils sont brutalement sortis de leur torpeur, mardi matin, en réunion de groupe. Quarante-huit heures après les discours de clôture de Nancy, chacun convient qu’il est urgent de jeter un voile pudique sur la fracture encore béante qui meurtrit le parti. Et quel voile plus masquant que la censure ? Problème, le conclave des retraites pourrait se conclure par un accord, apprend-on le matin même. Comment défendre la censure à l’endroit même où le syndicat réformiste et ami, la CFDT, aurait apposé sa signature ?
Dans l’hémicycle, Boris Vallaud interpelle le Premier ministre sur le sujet : le Parlement aura-t-il le dernier mot, comme le Premier ministre s’y était « engagé » ? Réponse de l’intéressé : « J’ai dit que s’il y avait un accord, il serait soumis au Parlement. Et s’il n’y a pas d’accord […] c’est la réforme telle qu’elle a été adoptée en décembre 2023 qui s’appliquera. » Mauvaise réponse, se réjouissent les socialistes qui cherchaient la parole publique du Premier ministre pour justifier la censure.
Dans le même temps, le groupe exhume une « lettre d’engagement » dont le Premier ministre aurait trahi l’esprit, pour alourdir le réquisitoire. Problème : personne n’est en mesure de préciser la teneur du courrier, les journalistes la cherchent et les réponses des socialistes se résument à l’indignation. « On s’est fait fourrer par Bayrou ! » s’exclame un député parisien devant quelques convives lors d’un déjeuner ce mercredi. « Sur quels points précisément ? » l’interroge-t-on. Réponse brouillonne et approximative : « Sur l’écologie ! Sur les crédits supplémentaires pour MaPrimeRénov’… Sur l’exécution du budget : on s’est fait rouler dans la farine ! »
Des raisons floues et incohérentes
Où l’on comprend que les raisons de la censure sont floues et sans cohérence. Seule la censure compte. Le gouvernement l’a bien compris : « Le PS utilise l’outil de la censure pour faire oublier le naufrage de son congrès, décrypte un proche de François Bayrou, celui d’un parti coupé en deux entre défenseurs de l’alliance toujours possible avec LFI et ceux qui veulent s’en défaire. » Au passage, en renvoyant dos-à-dos Jean-Luc Mélenchon et Jérôme Guedj – qui a traité à la tribune le premier de « salopard antisémite » –, Olivier Faure met sur le même plan un camarade et un rival politique, preuve que la fracture saigne encore et que le dérivatif de la censure ne règlera rien. Ses proches se chargent d’ailleurs de jeter du sel sur la plaie : « Pas question de tourner le dos à LFI pour mourir au champ d’honneur ! Ceux au parti qui s’acharnent sur Mélenchon voudraient qu’on bascule du ‘‘tout sauf RN’’ au ‘‘tout sauf LFI’’ ! Cela va trop loin ! » tonne un soutien du premier secrétaire. En attendant de remettre son travail sur le métier, le premier secrétaire veut temporiser. Il a besoin d’un acte politique fort, une motion de censure, pour serrer les rangs donc, et asseoir sa fragile autorité – une réélection à 500 voix près.
Le temps presse avant la fin de la session parlementaire
Le temps presse avant la fin de la session parlementaire, et l’occasion ne se représentera pas, de l’aveu d’un député proche de Faure : « Au moment du budget, à l’automne, on aura la main qui tremble. Prendre la responsabilité de faire chuter le gouvernement, de déclencher un écart des taux d’emprunt entre la France et l’Allemagne, voire une crise des dettes souveraines… ce serait trop chaud, trop risqué ! »
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Un moyen puissant de booster la campagne
Certains socialistes plaidaient jusqu’ici l’inverse : à quelques mois des municipales, envoyer le signal fort à l’électorat de gauche que le PS censure le gouvernement sur un budget d’austérité serait un moyen puissant de booster la campagne. François Hollande a fini par éteindre l’hypothèse, plaidant que les électeurs seraient surtout furieux contre ceux qui précipiteraient à nouveau le pays, sans budget, dans l’incertitude.
Empêtrés dans une partie billard à cinq bandes dans laquelle les intérêts partisans prennent le pas sur la vision politique du budget ou des retraites, les socialistes continuent leur tambouille dans l’arrière-cuisine de l’Assemblée nationale. Sans, visiblement, s’intéresser à ce qu’attendent la Français.
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