Le vol, de tout temps, a existé. Ceci frise la banale évidence, mais certains larcins sont peut-être plus inattendus que d’autres. Dans la nuit du 23 au 24 juin, une clinique privée de Nouvelle-Aquitaine fut victime d’un cambriolage, des équipements médicaux de pointe (dont des machines portatives estimées à plusieurs centaines de milliers d’euros) furent dérobés. Quelques jours auparavant, en juin toujours, une clinique de Rueil-Malmaison s’était vue subtiliser quinze endoscopes. Valeur du préjudice : 450 000 euros.
Et à chaque fois, les pillards parviennent à neutraliser les systèmes de sécurité sans laisser la moindre trace de leur passage. À peine une ombre, tout juste une légère odeur : celle du larcin honteux. Ils agissent au plus sombre de la nuit et ciblent en priorité certains équipements (échographes et autres appareils de diagnostic par imagerie). Le revers de la miniaturisation étant que les appareils deviennent suffisamment compacts pour être « aisément » dérobés.
Ce qui frappe à première vue, c’est l’efficacité et la préparation des pillards. Les systèmes d’alarme et de vidéosurveillance, pourtant modernes, ont été désactivés, ce qui suggère soit une connaissance accomplie des dispositifs de sécurité, soit une complicité interne. À moins que les deux ne s’entremêlent. La trahison se superposant au vol. Passons…
Chaque année, près de 2 000 vols pour une perte sèche de plusieurs dizaines de millions d’euros par an
Légèrement abracadabrantesque, cette effraction est pourtant loin d’être un cas unique. Une clinique esthétique située près de Rennes avait déjà été victime d’un vol similaire estimé à plus de 300 000 euros. Les monte-en-l’air étaient repartis avec, sous le bras, des équipements de cryothérapie ainsi que des lasers.
Selon l’Observatoire national des violences en milieu de santé (ONVS), hôpitaux et cliniques signalent, chaque année, près de 2 000 vols pour une perte sèche de plusieurs dizaines de millions d’euros par an. Mais en plus du matériel technologique de pointe, les médicaments sont, eux aussi, dans le viseur des cambrioleurs. Ce mois d’avril, un centre médical de Nanterre s’est fait voler des traitements contre le cancer. Plus rien ni personne n’est respecté, pas même les cancéreux.
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Si l’on comprend instinctivement que la revente d’un téléphone happé à l’arraché soit rendue aisée par la prolifération de boutiques de téléphonies un peu suspectes, qui peuvent être les acheteurs de ces singuliers appareils ? Ce serait un peu rapidement oublier que parmi les étals louches du marché noir international, il existe des débouchés pour pareille marchandise ! Les capitaines d’industrie véreux n’hésitent plus à faire feu de tout bois. Peu importe la provenance tant que le profit est au bout.
Prenons l’exemple des échographes, ceux-ci sont particulièrement demandés dans les pays où l’accès à la technologie la plus récente est encore entravé (Europe de l’Est mais aussi pays d’Afrique du Nord et/ou d’Asie). Les équipements subtilisés en France sont ainsi souvent revendus au Maghreb, où ils alimentent cliniques privées et autres réseaux de soins informels.
De nombreux experts en cybercriminalité notent que ces vols s’accompagnent d’ailleurs souvent du siphonnage des données médicales qui y sont associées. On trouve ainsi revendus sur le darknet des numéros de sécurité sociale ainsi que les antécédents médicaux de patients ! Adieu anonymat, bonjour sécurité compromise ! L’année dernière, une cyberattaque menée en direction du groupe Aléo Santé entraîna le vol de données de plus de 750 000 patients.
Il faut dire qu’ouverts 7j/7 et 24h/24, les hôpitaux peinent à être convenablement sécurisés. Comme le note un représentant de l’AP-HP, « il suffit de mettre une blouse et de prendre un ordinateur sous le bras pour passer inaperçu ». Souvent dotés d’enveloppes budgétaires anémiques, les établissements n’ont que peu de moyens à consacrer à leur propre sécurité.
En 2024, l’Agence du Numérique en Santé rapporte 749 incidents de cybersécurité (soit une augmentation de 29 % par rapport à 2023) dont une bonne trentaine d’hôpitaux qui furent victimes de cyberattaques menées via les désormais trop fameux rançongiciels (programme malveillant chiffrant les données et exigeant une contrepartie financière pour déverrouiller ce qu’il a lui-même bloqué).
« Cette pathologie a un nom : la cupidité décomplexée »
Face à cette montée en puissance des vols, les autorités tentent de démanteler la gigantesque toile enchevêtrée du crime organisé. Cependant, pour être efficace, la lutte nécessiterait une coopération accrue à l’échelle internationale et, pour l’instant, de nombreux progrès demandent encore à être accomplis. Au niveau mondial, on estime à plusieurs dizaines de milliards d’euros les revenus générés par cette médecine de l’envers. Ça en fait des silhouettes hâtives qui, de nuit, hantent nos cliniques et délestent les salles de leurs appareils dernier cri. Cette pathologie a un nom : la cupidité décomplexée.
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