Son logo, un vieux randonneur à la barbe blanche, coiffé d’un chapeau noir et équipé d’un bâton et de chaussures de marche, est identifiable au premier coup d’œil. Il fait même partie de notre patrimoine. À l’image de celui du Guide du routard, qui fait référence au voyage, le logo du Vieux Campeur inspire aussitôt l’univers des sports « cool » et du plein air. Le camping, le ski, l’alpinisme, la voile… et tant d’autres activités qu’il met à l’honneur dans ses magasins.
« À l’origine, il était dessiné fumant la pipe. Mais mon père l’a remplacée par une marguerite lorsqu’il a arrêté de fumer, dans le courant des années 1980 », s’amuse Aymeric de Rorthays, l’actuel directeur (avec son frère) et petit-fils du fondateur, Roger. Celui qui, en 1941, créait cette enseigne au numéro 48 de la rue des Écoles, dans le 5e arrondissement de Paris. Un ancien chef scout bien décidé à tirer profit de l’émergence des congés payés, en équipant les vacanciers de la tête aux pieds.
Rester totalement libre
Plus de huit décennies plus tard, le Quartier latin est constellé de ses boutiques (une dizaine !), bien connues des Parisiens, et 25 sont réparties aux quatre coins du pays (Bordeaux, Toulouse, Lyon, Albertville…). « Et petit scoop en passant, nous en ouvrirons une toute nouvelle à Lille en 2026 », glisse fièrement Aymeric.
Avec un chiffre d’affaires de 175 millions d’euros au compteur et près de 500 salariés, le Vieux Campeur est sans conteste devenu le leader de l’outdoor en France. « Nous sommes même la première entreprise indépendante du monde sur ce secteur », se félicite le chef d’entreprise. Car là où la plupart des « petites » structures cèdent aux sirènes des multinationales gloutonnes, la sienne est restée 100 % familiale.
Pas un autre actionnaire, même minoritaire, n’y a glissé le début d’un crampon : « Cette volonté de rester totalement libre fait partie des gènes de notre famille. C’était déjà le cas, même plusieurs siècles en arrière… et ça continue », assure Aymeric. Régulièrement approché par des géants dans son domaine, particulièrement dans les années 1990-2000, le Vieux Campeur a donc continué de résister, encore et toujours, à l’« envahisseur ». Sa force ? Être devenu un pionnier, tout en proposant des produits de qualité.
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En ayant notamment importé pour la première fois en France des marques américaines comme The North Face ou Patagonia. Des vêtements techniques de pointe aux finitions remarquables qu’il a contribué à faire adopter sur le Vieux Continent. « Notre intransigeance est de ne jamais proposer de produits “jetables”, rappelle le patron. Leur durabilité et leur solidité sont essentielles dans notre rapport aux clients. Et aujourd’hui, je peux dire qu’il n’y a pas une seule marque estampillée outdoor en France qui n’ait pas débuté au Vieux Campeur. » Les premières membranes Gore-Tex, la première chaussure de randonnée Salomon ou encore les premiers matelas (de camping) autogonflants… c’était là-bas.
Un créneau, une philosophie
La promesse ? Que le client puisse se retrouver au bout du monde en ayant une confiance totale dans le produit qui l’accompagne. « Même un simple tee-shirt affiché à 9,95 euros doit être parmi les meilleurs du marché et être issu d’une marque de référence pour nous », poursuit Aymeric. Par ailleurs, le Vieux Campeur a son propre atelier de réparation – le premier certifié Gore-Tex en Europe – à Vimoutiers (Normandie).
Et ce, précise-t-il, « afin d’éviter d’avoir à renvoyer les produits chez leurs fournisseurs… » Malin. Pour se démarquer, l’enseigne a également fait le choix (risqué) de se cantonner aux sports dits « sans règles » et aux activités de plein air, « que l’on peut faire partout et sans forcément prendre des cours, comme la plongée, le ski ou la marche », précise Aymeric. Et si le Vieux Campeur s’est parfois glissé hors de sa zone balisée, comme dans les années 1980 en s’essayant à l’univers du tennis, les expériences ont toujours été éphémères.
Un coup de maître puisque, par essence, les immenses structures comme Decathlon ou Intersport ne marchent pas réellement sur ses plates-bandes, là où leur arrivée aurait pu représenter une concurrence fatale. « Là-bas, vous trouverez absolument tous les sports et toutes les activités, résume Aymeric. Ce n’est pas du tout notre créneau. » De même, une doudoune ou une paire de chaussures n’aura pas sa place au Vieux Campeur si elle n’est pas spécialisée. « Une très grande marque, pourtant très qualitative et très populaire, nous a récemment approchés, mais nous avons refusé car elle n’était pas suffisamment spécialisée. C’est une philosophie… » confie-t-il encore.
En fin de compte, c’est ce positionnement de niche ultraspécialisée qui a forgé sa réputation, lui permettant de partir à la conquête d’une clientèle exigeante et plutôt aisée. Mais, ironie du sort, l’une des plus grandes difficultés du Vieux Campeur est justement de trouver… des vendeurs suffisamment qualifiés (et disponibles) pour animer ses rayons, « à l’image d’anciens alpinistes qui vont travailler quelques mois avant de repartir en expédition », explique Aymeric.
La marque a aussi su surfer sur le succès de ses propres best-sellers, comme la tente Hubba Hubba (535 euros), qu’elle vend comme des petits pains depuis une dizaine d’années. Très légère (à peine plus de 1 kg), très aérée et facile à installer, elle constitue un « must » absolu de ses rayons. Des rayons plus que jamais chéris par ses clients, qui préfèrent se déplacer plutôt que rester derrière un écran.
Les ventes en ligne ne représentent en effet, malgré un site clair et complet, qu’entre 7 et 8 % des ventes. Alors les clients, pourquoi ne pas aller les chercher, un jour, à l’international ? « Ce n’est pas impossible », concède Aymeric, sourire en coin. Pas impossible, et peut-être même le sens de l’histoire, finalement…
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