L’essentiel
- Les prisons françaises sont confrontées à une surpopulation record : 84.447 détenus pour 62.566 places au 1er juin 2025. Les conditions de détention, déjà précaires, s’aggravent lors des périodes de canicule, de plus en plus fréquentes et intenses.
- Un plan canicule est appliqué dans les prisons, prévoyant notamment un « accès à la douche favorisé » et un décalage des horaires de promenade.
- Mais ces mesures sont jugées insuffisantes par l’Observatoire international des prisons, lequel souligne les problèmes structurels des établissements vétustes et mal adaptés aux fortes chaleurs.
Coup de chaud dans les prisons françaises. Alors que la canicule plane sur le pays, les prisonniers suffoquent derrière les barreaux. Dans de nombreux établissements vétustes, les détenus sont trois dans des cellules de 9 m2 prévus pour deux. La surpopulation atteint des records : au 1er juin 2025, 84.447 personnes étaient détenues pour 62.566 places, soit une densité carcérale globale de 135 %, selon les derniers chiffres du ministère de la Justice. Elle dépasse même les 200 % dans 22 établissements ou quartiers pénitentiaires, et 150 % dans 70 autres. Plus de 5.760 personnes sont contraintes, faute de place, de dormir sur des matelas posés à même le sol. Des conditions de détention déjà précaires qui se dégradent encore lors de périodes de fortes chaleurs, de plus en plus fréquentes et intenses.
Comme chaque année, un plan canicule est appliqué depuis quelques jours dans « l’ensemble des prisons françaises », a indiqué lundi le ministère de la Justice. L’administration pénitentiaire a organisé par exemple un « accès à la douche favorisé, au-delà du nombre de douches hebdomadaires prévu par la réglementation, en fonction des emplois du temps de journée et de la configuration des locaux ». Elle prévoit aussi de « décaler les horaires de promenades et séances de sport en début de matinée et en fin d’après-midi dans la mesure du possible ».
Des mesures « dans la limite du possible »
« On fait des choses pour améliorer les conditions de détention des détenus, mais dans la limite du possible », explique à 20 Minutes une source à la Chancellerie. « Les établissements sont pleins à craquer et beaucoup d’entre eux sont vieux. Les mesures de ce plan peuvent apparaître comme étant des améliorations marginales, mais on fait ce qu’on peut », ajoute-t-elle.
« Le problème c’est que beaucoup d’établissements sont vétustes, mal isolés. Et les nouvelles constructions n’ont pas forcément été pensées par rapport au réchauffement climatique. Il y a aussi le manque de végétalisation, les cours de promenades sans arbres, tout en béton », déplore Odile Macchi, responsable du pôle « enquêtes » de l’OIP, l’Observatoire international des prisons. Les détenus « sont souvent 22 heures sur 24 enfermés dans leur cellule », poursuit-elle. Or, dans certains établissements, « la fenêtre se trouve complètement en hauteur. Donc ils vont avoir du mal à aérer. De plus en plus souvent, il n’est plus possible d’ouvrir complètement les fenêtres. »
Selon elle, la dégradation des conditions de détention est flagrante dans les quartiers d’isolement dont la sécurité a été renforcée. Les fenêtres ont notamment été obstruées et « des petits trous » laissent passer un peu d’air. « On a eu des alertes, des personnes qui sont malades, qui n’y arrivent plus du tout à respirer », indique Odile Macchi.
« Conditions extrêmes »
Les mesures du plan canicule ne sont, selon elle, pas suffisantes pour améliorer le quotidien des prisonniers qui souffrent dans ces « conditions extrêmes ». « Il recommande plus d’accès à la douche. Mais le problème, c’est que souvent, c’est impossible. Il n’y a pas assez de surveillants pour accompagner les détenus. Ils ne peuvent pas se démultiplier. Ils ne pourront pas faire ça en plus des autres tâches qu’ils ont déjà du mal à faire », souligne Odile Macchi.
Le plan prévoit aussi une « prise en charge renforcée » des détenus à la santé fragile. « Les années précédentes, des personnes nous ont indiqué être en détresse parce qu’on les réveillait toutes les deux heures. Ça part peut-être d’une bonne intention mais c’est assez contre-productif pour leur santé », raconte la responsable du pôle « enquêtes » de l’OIP. qui s’inquiète aussi pour la « santé mentale » de l’ensemble des prisonniers. « Ils sont vraiment mis à l’épreuve psychologiquement au quotidien. »
Pour autant, la canicule ne complexifie pas les relations que les détenus entretiennent avec les personnels, au contraire, selon Christy Nicolas, le secrétaire général du Syndicat pénitentiaire des surveillants (SPS). « Ils tentent d’humidifier leurs cellules en mettant de l’eau sur des serviettes, des choses comme ça. Dans les cours de promenade, il y a des brumisateurs qui ont été installés, et ils ont aussi accès à l’eau », explique-t-il à 20 Minutes. « Les années précédentes, on a constaté que la chaleur avait un effet amorphe, et ils sont peut-être un peu plus tranquilles, remarque le syndicaliste. On pourrait penser que ça parte un peu plus en émeutes, mais non. »
