À quoi sert l’immigration économique si les emplois dans les métiers en tension restent vacants, alors même que le taux de chômage atteindra 7,6 % en France d’ici la fin de l’année ? Comment expliquer que des secteurs manquent de main-d’œuvre tandis que tant de Français sont sans emploi ? Et si, au lieu de résoudre les déséquilibres du marché du travail, l’immigration économique les aggravait ? C’est la thèse défendue dans une note publiée par l’Observatoire de l’immigration et de la démographie (OID), sous la plume de son directeur général, Nicolas Pouvreau-Monti. « En France, les immigrés sont nettement moins présents sur le marché du travail que dans la plupart des autres pays européens. Le taux d’emploi des immigrés y est le deuxième plus faible d’Europe, juste après la Belgique, qui fait pire que nous », explique-t-il au JDNews.
En 2023, seuls 62,4 % des immigrés en âge de travailler avaient un emploi en France, contre 69,5 % des natifs. À l’échelle européenne la moyenne atteint 67,5 %, et elle grimpe à 71,8 % dans certains pays développés d’Amérique du Nord, en Océanie et au Japon. « Il y a des effets liés au type d’immigration que l’on reçoit : l’intégration varie selon les profils. Si l’on regarde les descendants d’immigrés d’Asie du Sud-Est versus les descendants d’immigrés algériens, on réalise que les premiers surperforment en matière de diplômes, alors que les Algériens continuent de sous-performer », analyse Pouvreau-Monti. Ce faible taux d’emploi s’explique aussi par la structure de l’immigration en France, largement familiale. Dès lors, poursuit-il : « Trouver du travail est plus difficile pour un immigré lorsque l’insertion professionnelle n’est pas à la racine de la décision d’émigrer. »
Contrairement aux idées reçues, l’écart ne se résorbe pas avec les générations : il s’aggrave. « Le taux d’emploi des personnes de première génération s’élève à 62,5 %, contre 59,7 % pour celles de la deuxième génération », note Pouvreau-Monti. À titre de comparaison, 70,7 % des personnes sans ascendance migratoire directe occupent un emploi. En se fondant sur ces chiffres, l’OID a évalué l’impact économique d’un alignement des taux d’emploi : « Si les immigrés et leurs descendants avaient le même taux d’emploi que le reste de la population, le gain serait de l’ordre de 3,4 % du PIB, soit un peu moins de 100 milliards d’euros par an. Cela générerait également un surplus de recettes publiques d’environ 1,5 point de PIB chaque année. »
En France, environ 1,7 million d’immigrés ne sont « ni en emploi, ni en études, ni à la retraite ». L’Observatoire ajoute dans sa note que l’immigration fait baisser la productivité individuelle de notre pays, car celle-ci dépend notamment du niveau de qualification des travailleurs, nettement plus faible chez les immigrés que chez les natifs. D’après leurs données, 31 % des immigrés de 30 à 40 ans sont sans diplôme, soit un taux trois fois supérieur à celui des personnes sans ascendance migratoire. Ces écarts de qualification s’ajoutent à des distorsions sur le marché du travail : les immigrés sont massivement concentrés dans des secteurs comme les services à la personne, la sécurité ou la construction, abrités de la concurrence internationale et tournés uniquement vers la demande intérieure, même si certains secteurs profitent aussi du fait que l’immigration crée plus de besoins, « puisque celle-ci participe des besoins en construction et génère une insécurité qui fait le bonheur du secteur de la sécurité privée et du gardiennage », pointe l’Observatoire.
Sur le plan fiscal, le constat est tout aussi défavorable. « L’immigration coûte plus qu’elle ne rapporte à l’État », assure l’OID. Selon l’OCDE, elle ne finance que 86 % de ce qu’elle coûte, « en raison d’un taux plus élevé de pauvreté et d’inactivité, et d’un poids accru sur les prestations sociales ». Ajoutons à cela que l’immigration de travail, au sens strict, reste très minoritaire dans les flux migratoires : D’après l’OID, « c’est à peine un titre de séjour sur dix parmi ceux en cours de validité en France, et un sur six parmi l’ensemble des titres accordés pour la première fois l’an dernier ». À l’inverse, la France se caractérise par une immigration essentiellement familiale, la plus élevée d’Europe. Et notre pays accorde largement le droit d’asile : le nombre de bénéficiaires a triplé en dix ans.
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Par conséquent, quels leviers activer pour changer les choses ? Nicolas Pouvreau-Monti suggère de jouer sur l’attractivité de la France « pour certains types d’immigration sanitaire et sociale ». Pour lui, « une vision court-termiste empêche de réfléchir à la meilleure façon de rendre ces métiers plus attractifs pour les personnes françaises en recherche d’emploi ». Autrement dit, on fait l’impasse sur une réflexion de long terme visant à mobiliser les demandeurs d’emploi déjà présents sur notre territoire.
Il recommande aussi de moduler les visas en fonction du taux d’emploi des étrangers concernés sur le sol national. « Puisqu’on sait que les personnes venant de certains pays trouvent plus facilement un emploi que d’autres, on devrait pouvoir adapter notre politique de visas – surtout pour les étudiants et les travailleurs – en tenant compte de ces différences, pour que l’immigration profite vraiment à l’économie et à la prospérité de notre pays. » Mais Nicolas Pouvreau-Monti prévient : seule la moitié de l’immigration relève de décisions politiques. Le reste, comme l’asile ou le regroupement familial, échappe au contrôle des dirigeants. Les marges de manœuvre sont minces…
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