
L’Italienne avait la gouaille d’Arletty, la présence de la Callas et la véracité de Piaf. Mieux qu’une tombe, le livre de Bernadette Costa-Prades restitue l’âme d’Anna Magnani (1908-1973). Il y a des actrices qui ont besoin d’un metteur en scène et d’autres dont la beauté naturelle crève l’écran. Avec Bette Davis, Simone Signoret, Gena Rowlands et Meryl Streep, la Magnani appartient à la galaxie des comédiennes qui n’ont rien à envier aux hommes. Des femmes qui ne portent pas leur sexe sur le visage, selon la fulgurante remarque d’Alfred Hitchcock.
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Elle aimait les élans du cœur, détestait la superficialité
Écrit à la première personne du singulier, l’ouvrage rend hommage à celle qui a inspiré les plus grands cinéastes du XXe siècle : Bellissima (Visconti, 1951), Le Carrosse d’or (Renoir, 1953), Larmes de joie (Monicelli, 1960)… Dans La Rose tatouée (1955) – Oscar de la meilleure actrice – et L’Homme à la peau de serpent (1959), elle tient la dragée haute à Burt Lancaster et à Marlon Brando. Dans Mamma Roma (1962), Pasolini l’a immortalisée en déchirante prostituée reconvertie en « petite vendeuse ». Dans Fellini Roma (1972), le maestro Federico a filmé la Romaine en un seul plan pour dire qu’elle incarne sa ville natale.
Auparavant, grâce à Rossellini (Rome, ville ouverte, 1945), elle fut à l’origine du néoréalisme cinématographique, par le biais de son historique interprétation de Pina, où elle joue autant avec son corps qu’avec son esprit. Uni à elle, Rossellini la quitta pour se marier avec Ingrid Bergman.
La Magnani irradiait une force de caractère bien trempée jamais démentie. Née d’une fille mère, elle fut cloîtrée chez les religieuses, une prison pour la jeune fille dont la vie vira au calvaire à cause des « bourreaux à cornettes ». Heureusement, sa grand-mère maternelle fut sa première admiratrice. Douée pour le piano, Anna Magnani s’orienta vers le théâtre avant de tourner des films. Exigeante, elle ne pouvait vivre que dans des rapports d’une grande authenticité, d’où sa rage d’expression. C’était un ouragan humain dès lors qu’on s’aventurait à mentir sur les sentiments. Elle préférait les actes aux grands discours pompeux.
Terrassée par un cancer, elle meurt à 65 ans. Cinq mille personnes assistent à ses obsèques. Elle ne voulait pas être traitée d’experte en éclats de rire ou torrents de larmes, à l’écart de la nuance du sourire. Rien à voir avec une tragédienne fermée, solitaire et déçue. Elle aimait les élans du cœur, le travail, la sincérité, et détestait la superficialité, la compromission, le « laisse tomber, qu’est-ce que ça peut te faire ? » Des yeux cernés, ennemis du botox. Un être humain, par excellence.

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