Il est celui qu’on appelle pour redresser la barre d’une saga cinématographique quand elle file un mauvais coton. À 49 ans, le réalisateur britannique Gareth Edwards se pince toujours pour y croire : après Godzilla (2014) et Rogue One: A Star Wars Story (2016), il signe Jurassic World: Renaissance, qui met en scène Scarlett Johansson en ex-membre des forces spéciales envoyée par un laboratoire pharmaceutique pour procéder à des prises de sang sur des dinosaures, et ainsi faire avancer la recherche médicale. L’expédition dans la jungle vire au cauchemar.
Le JDD. Vous emparer d’une franchise ne vous impressionne plus ?
Gareth Edwards. (Rires.) Quand je me suis lancé dans Godzilla, ce fut un véritable choc des cultures, car je venais du cinéma indépendant britannique et j’entreprenais un grosse production hollywoodienne. Même émotion quand je me suis attaqué à Rogue One, sauf que je replongeais en enfance, donc c’était réconfortant : j’avais l’impression de m’envelopper de ma couverture qui me servait de doudou quand j’étais petit garçon. Pour Jurassic World, j’ai été immédiatement rassuré en découvrant que j’avais un scénario solide de David Koepp, à qui l’on doit celui du premier Jurassic Park (1993), mon Graal !
Comment s’est déroulée votre rencontre avec Steven Spielberg ?
Très tôt, j’ai dévoré sa filmographie en commençant par Les Dents de la mer (1975), Rencontres du troisième type (1977), Les Aventuriers de l’arche perdue (1981). Puis je l’ai observé un million de fois dans les makingof de ses longs métrages, que je me suis procurés. Je me sentais donc dans la peau d’un chrétien qui s’apprête à se retrouver devant Jésus ! Je me rappelle avoir été convoqué aux studios Universal et je suis arrivé en avance.
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« Je ne savais plus du tout quoi dire devant Steven Spielberg, j’étais pétrifié ! »
On m’a demandé de patienter dans une pièce dont la fenêtre offrait un panorama imprenable sur le parc à thèmes attenant. Soudain, il est entré, je me suis retourné et j’ai compris que je devais faire la conversation. Sauf que je ne savais plus du tout quoi dire, j’étais pétrifié ! Je m’en veux encore de m’être comporté comme un tel idiot, mais on ne s’habitue pas à côtoyer son idole.
Sur le plateau, je cherchais désespérément à l’imiter, mais c’était impossible. J’ai encore tant à apprendre de lui. En général, je pige vite les astuces d’un réalisateur à l’écran, mais j’ai beau revoir en boucle les chefs-d’œuvre de Steven, je n’y parviens pas : il est pour moi un magicien. Ce qui rendait la tâche épineuse car il visionnait tous mes rushes en tant que producteur. Très intimidant !
Comme lorsque vous avez fréquenté George Lucas pour Star Wars ?
Il avait pourtant pris sa retraite, mais il a fait le déplacement pour me saluer sur le tournage. Au-delà de surréaliste ! En ce qui concerne le stress et la pression, je pense que j’ai perdu dix ans de vie à chaque fois. (Rires.) Je m’inspire de leur exemple: ce sont des êtres humains très intelligents et talentueux qui suivent leur instinct et mettent leurs tripes dans les univers qu’ils ont créés. Je me suis préparé et j’ai agi au mieux.
J’ai laissé la raison de côté et j’ai écouté mon cœur. Quand on a une date de sortie en salles qu’on doit tenir, c’est finalement assez libérateur car le train est parti et on ne peut plus l’arrêter : il faut seulement se concentrer.
Pourquoi avez-vous choisi Scarlett Johansson pour le rôle principal ?
Je suis allé à une réunion chez Universal avec Steven Spielberg et le coproducteur Frank Marshall. Au centre de la pièce, il y avait une table gigantesque recouverte de photographies d’acteurs. Apparemment, c’est très courant, mais je ne l’avais encore jamais vu de mes propres yeux. Nous sommes restés une heure à tergiverser. Alors Steven s’est écrié : « Si je n’offre pas ce personnage à Scarlett, elle va me tuer ! On a déjeuné ensemble et elle m’a répété à quel point elle était fan de Jurassic Park. » Je n’osais en rêver. Quand elle nous a donné son accord, elle avait l’air calme, mais je savais qu’à l’intérieur elle sautait de joie comme une gamine. (Rires.)
Jurassic World : Renaissance ★★★, de Gareth Edwards, avec Scarlett Johansson, Mahershala Ali. 2 h 13. Sortie mercredi.
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