Il était environ 17h15, début février. Il ne faisait pas très chaud ce jour-là. Je portais ma longue doudoune et une grosse écharpe autour du cou. Comme tous les soirs après le travail, je remontais le boulevard jusqu’à ma place de parking lorsque j’ai soudainement senti des doigts se glisser dans mon cou et des ongles s’enfoncer dans ma peau. Violemment tirée en arrière, je me suis retrouvée par terre.
Mon premier réflexe a été de me protéger. Je me suis recroquevillée sur moi-même et j’ai plongé mon visage dans mes mains. Mon agresseur a essayé d’attraper mes bagues et mes chaînes, mais j’étais tellement tétanisée, crispée… J’avais une force inouïe. Il ne pouvait rien faire. Il n’arrivait pas à me prendre mes bijoux. Et ça l’a rendu fou.
« Les coups ne s’arrêtaient pas, il ne se calmait pas »
Il s’est mis à hurler et, comme je ne cédais pas, la violence est montée d’un cran. Il m’a attrapée par les cheveux et m’a traînée au sol. J’ai reçu des coups de pied dans les jambes, des coups de poing sur le crâne. Je ne sais pas combien de temps ça a duré. Cela m’a paru être une éternité… Jusqu’à ce que j’entende quelqu’un crier : « Lâche-la, lâche-la, lâche-la ! »
Ça a été un tel soulagement. Honnêtement, il était tellement énervé. J’ai vraiment cru qu’il allait me tuer. Les coups ne s’arrêtaient pas, il ne se calmait pas. Je ne comprenais pas ce qu’il me disait. Heureusement, peut-être… il ne parlait pas français. J’ai appris plus tard des forces de l’ordre qu’il s’agissait sûrement d’un Albanais.
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Un traumatisme
L’homme qui m’a secourue a eu un courage immense. Aujourd’hui, combien osent encore intervenir ? À son arrivée, mon agresseur a pris la fuite. Des passants ont appelé la police, puis je leur ai raconté ce qu’il s’est passé du mieux que je pouvais. Mais j’étais presque incapable d’articuler. Tout mon corps tremblait. Des collègues m’ont aidé à retrouver ma voiture. Je ne pensais qu’à une chose : rentrer chez moi. Je ne sais pas comment j’ai fait pour conduire. Je me suis arrêtée en chemin, en larmes, incapable de continuer.
Quand je suis enfin arrivée à la maison, il n’y avait personne. J’ai déposé mes affaires et je suis toute de suite repartie en direction des urgences pour faire constater les coups, comme me l’avait conseillé la police. Mon mari et mon fils sont venus me chercher à l’hôpital. Je ne pouvais plus conduire. Je ne pouvais plus marcher. Encore moins parler.
« Ce type n’en était sûrement pas à son coup d’essai »
Le lendemain, j’ai porté plainte et j’ai envoyé un message à mes supérieurs pour leur expliquer que je ne me sentais pas capable de travailler. J’ai angoissé tout le week-end en me demandant : « Comment tu vas faire lundi ? » Je ne voulais pas m’arrêter, mais la peur m’empêchait de sortir. Aller à Saint-Étienne m’était impensable. J’ai donc repris en télétravail pendant deux semaines, à l’issue desquelles j’ai dû me faire violence. Ma psy m’a conseillé de retourner me garer à l’endroit habituel. Elle m’a dit que plus j’attendrais, plus ce serait difficile.
Un sentiment d’impunité
Aujourd’hui, à Saint-Étienne, je suis en alerte permanente. Ce qui reste le plus dur, c’est de marcher seule dans cette rue, où je sais que mon agresseur m’a suivie, qu’il a attendu le bon moment, vérifié s’il y avait du monde, avant de s’en prendre à moi. Je préfère emprunter un chemin parallèle, plus fréquenté. Mon mari m’a acheté une bombe lacrymogène.
Mon fils, lui, m’a offert un porte-clés alarme. Un petit objet que je garde toujours accroché à mon sac. C’est plus sécurisant qu’une bombe. Lors de l’agression, je n’aurais jamais eu le réflexe de sortir quoi que ce soit. Là, je garde la main dessus. Il suffit de tirer une ficelle pour que le signal sonore se déclenche. Ça me rassure.
« Et ce Monsieur qui est intervenu… J’aimerais tant le retrouve et lui dire merci »
Surtout sachant que cet individu est probablement dehors à l’heure qu’il est. Il n’y a jamais eu de suite à ma plainte. On a pourtant géolocalisé mon téléphone – le seul objet qu’il a réussi à me prendre – et la police a récupéré celui de mon agresseur après qu’il l’a échappé en prenant la fuite. Ce type n’en était sûrement pas à son coup d’essai. Et pourtant il ne se passera rien. Je pense aux autres. À ce jeune, agressé peu de temps après moi, tout près d’ici. Ce sentiment d’impunité est insupportable.
Quelques mois plus tard, je pensais que toute cette histoire était derrière moi. Que j’avais tourné la page. Mais l’autre soir, à la télé, une scène d’agression dans un film m’a submergée. Une femme, comme moi, prise à partie. Et tuée. J’ai eu un coup de chaud. Une bouffée d’angoisse. Je me suis dit : « Tu es passée à côté de ça. » J’ai eu de la chance. Et ce Monsieur qui est intervenu… J’aimerais tant le retrouver. Je ne connais même pas son nom. J’aimerais lui dire merci, car il m’a sans doute sauvé la vie.
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