
Au parc Jourdan, les Rencontres d’Aix s’ouvrent dans une ambiance moins pesante que l’année dernière, dans le contexte de la dissolution. Pour autant, les grands patrons regardent l’avenir avec circonspection, un état d’esprit que résume parfaitement le thème des Rencontres : « Affronter le choc des réalités. » Jean-Hervé Lorenzi, qui préside les débats, en énumère la liste : choc environnemental, géopolitique, technologique, de confiance, démographique, et enfin financier, dans un contexte de taux élevés, d’endettement massif et d’incertitude économique. Traduction d’un participant : « Nous, entrepreneurs, allons payer. »
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Éviter la catastrophe
À quelques jours de la présentation du budget par le Premier ministre, le sujet monopolise les conversations. Et l’humeur est sombre. « Le pire », avant toute chose, serait un remaniement qui ouvrirait une nouvelle période d’incertitudes. « Que ce soit Bayrou ou quelqu’un d’autre, cela ne changera rien, philosophe un participant. On sortira de la crise uniquement par une vraie prise de conscience du pays : trois points d’investissement en plus et cinq heures de travail supplémentaires par semaine… » Une réponse limpide, quand François Bayrou chercherait à gagner du temps en sondant les partis politiques sur le remède miracle. « Difficile de poser une question à laquelle on n’apporte pas soi-même la réponse, à des interlocuteurs qui ne sont pas d’accord entre eux », persifle un entrepreneur.
Dans toutes les bouches, un vœu pieux revient en boucle : celui de la stabilité. « Je vois bien, chez mes clients, les projets de fusions-acquisitions se lancent, puis s’arrêtent, en continu. Comment voulez-vous investir quand vous ne savez pas quel est l’avenir politique du pays ? » interroge Gilles August, cofondateur du cabinet d’avocats August Debouzy. « Certains secteurs, comme celui des projets immobiliers, sont presque totalement à l’arrêt », assure-t-il, réclamant au passage un choc de simplification des réglementations sous lesquelles croulent les entreprises.
« Comment voulez-vous investir quand vous ne savez pas quel est l’avenir politique du pays ? »
Virginie Calmels, chef d’entreprise et directrice de CroissancePlus, réseau de TPE-PME, redoute un renoncement à la politique de l’offre, à l’œuvre depuis 2017, et qui bénéficie à l’activité. « On s’est battus pendant des années pour des améliorations, maintenant on lutte pour le maintien de principes qui fonctionnent. » La dirigeante craint un concours Lépine des mesures « les plus anti-économiques ». Les effets seraient d’autant plus dévastateurs que 2024 s’est avérée meurtrière pour les TPE-PME : 66 000 d’entre elles ont mis la clef sous la porte.
L’année 2025 s’annonce pire. Les ballons d’essai envoyés par le gouvernement, comme la possibilité de toucher au pacte Dutreil, qui facilite la transmission des entreprises familiales, inquiètent particulièrement Virginie Calmels : « Cela n’aurait aucun sens. On nous parle de réindustrialisation et dans le même temps on facilite les cessions à des tiers étrangers ! À force de tirer sur la corde, elle va craquer », prévient la chef d’entreprise.
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Même le secteur de la tech, qui a connu des années très fastes, souffre d’un ralentissement cette année : « Le marché français est très important pour nous et on subit de plein fouet la situation politique incertaine », abonde François Fleutiaux, directeur France d’Inetum, un des plus gros acteurs français du numérique. « De nombreux clients réduisent leur budget ou ont recours à la massification », s’inquiète-t-il. Un coup d’arrêt qui, selon lui, nuit gravement à la souveraineté de la France. Selon les chiffres du syndicat numérique Numeum, le secteur de la tech a enregistré - 2 % de croissance pour ce début d’année, loin des 8 % de hausse des années fastes. « Si même la tech tousse, ce n’est pas bon signe », conclut François Fleutiaux.
La fin de l’attentisme
L’urgence pour tous est de sortir de la période instable née de la dissolution, qui nourrit un attentisme permanent. « On est au bout, réellement. Il va se passer quelque chose en 2025 dans l’économie mondiale », prophétise Jean-Hervé Lorenzi. En attendant, l’amphithéâtre reçoit Michel Barnier. L’ancien Premier ministre, venu discourir sur le thème « France irréconciliable », fait salle comble. Didier Quillot, président de Cityz Media, un géant publicitaire, n’est pas emballé : « Le propos est intéressant mais il n’est pas allé assez loin. Le temps est venu de nommer réellement les problèmes pour trouver de vraies solutions. » Une façon de dénoncer l’attentisme… des politiques.
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