Le JDD. Un an après les Jeux olympiques, peut-on déjà parler d’un effet durable sur le tourisme français ?
Nathalie Delattre. C’est net et c’était ce qui était recherché. Outre les Jeux olympiques et paralympiques – 5 milliards de téléspectateurs – qui ont marqué l’année 2024, les commémorations du Débarquement et la réouverture de Notre-Dame ont également eu un effet « projecteur » sur la France à l’international. On a vu émerger une véritable « envie de France », qui se traduit concrètement par une hausse des arrivées aériennes de 8 % au premier trimestre 2025 et des estimations à presque + 5 % pour cet été. Tendanciellement, nous assistons au retour des touristes européens : Allemands, Néerlandais, Espagnols. On note aussi l’arrivée de nouvelles clientèles comme les Australiens ou les Brésiliens, une hausse des Japonais et des Canadiens. On conserve notre bonne dynamique sur la clientèle américaine. Mais nous ne devons pas nous arrêter là !
La France revendique son statut de pays le plus touristique du monde, avec 100 millions de visiteurs étrangers en 2024, pour des recettes estimées à 71 milliards d’euros, quand l’Espagne, avec 94 millions de visiteurs, engrange 126 milliards. Comment l’expliquez-vous ?
Par plusieurs facteurs : tout d’abord parce que l’État et les communautés autonomes en Espagne ont adopté une stratégie très offensive en investissant massivement dans leur offre touristique pour la faire monter en gamme et l’adapter aux attentes de la clientèle. Par conséquent, les touristes restent plus longtemps et donc dépensent plus. Ils ont su mobiliser beaucoup plus de fonds européens que nous. Cela leur a permis depuis plusieurs années de mieux valoriser leur destination sur le plan de la communication à l’international, et de faire évoluer leur offre, notamment hôtelière. En France, en tant que première destination mondiale historique, nous avons eu tendance à percevoir le tourisme comme une rente éternelle et à nous reposer sur nos acquis. Si bien que sans renouvellement, sans investissement dans les produits attendus par les clients, ces derniers restent moins longtemps chez nous et consomment moins. Pendant dix-sept ans, nous n’avons pas eu un ou une ministre dédiée à la politique du tourisme. C’est le cas depuis le gouvernement de Michel Barnier, poursuivi par François Bayrou. C’était attendu par tous les professionnels que je rencontre depuis ma prise de fonction.
De quels leviers dispose-t-on pour faire monter en gamme notre offre hôtelière ?
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Je viens de lancer, avec la Banque publique d’investissement (BPI), un prêt à long terme pour permettre au secteur touristique – et en premier lieu à l’hôtellerie – de trouver des financements, nerf de la guerre pour faire évoluer notre offre. Il faut savoir que chaque euro investi en rapporte plus encore, notamment à travers des fameuses recettes internationales que nous évoquions tout à l’heure. Deuxième levier : Choose France. Dans un contexte de contrainte budgétaire, nous devons attirer les investisseurs privés français et étrangers. Nous y avons travaillé avec Rachida Dati en identifiant des sites patrimoniaux remarquables en attente d’investisseurs pour développer un produit touristique, qu’il s’agisse d’une offre hôtelière, de restauration, ou encore d’activités touristiques.
« Nous devons réguler l’accès à certains lieux touristiques »
Aujourd’hui, sur 45 000 monuments classés en France, la moitié nécessite des rénovations et n’est pas exploitable en l’état. Or, Notre-Dame a démontré que des investisseurs privés avaient envie de s’impliquer. Ce mode d’investissement permet de protéger le patrimoine et de conserver la valeur historique des sites auxquels nous sommes très attachés et qui font notre force. Accor l’a très bien fait à l’abbaye des Vaux-de-Cernay.
Le phénomène des locations meublées type Airbnb nourrit-il une concurrence problématique pour les hôteliers ?
Les locations de meublés viennent compléter la variété de l’offre d’hébergements touristiques en France et répondent également aux attentes et besoins de certains visiteurs. Nous sommes les leaders européens de l’hôtellerie de plein air, mais des clients préfèrent le confort de l’hôtel et d’autres la flexibilité d’un meublé. L’important est de limiter les abus et de répondre aux besoins des touristes et des populations qui les accueillent. J’ai rencontré des maires ruraux ravis d’avoir un Airbnb sur leur commune et d’apparaître ainsi comme une station touristique. Dans d’autres territoires, la multiplication des meublés de tourisme ne permet plus à la population locale de se loger et crée des conflits d’usage et de voisinage. C’est pourquoi une loi a été votée fin 2024 pour permettre aux maires qui le souhaitent de mieux réguler les meublés de tourisme sur leur territoire. Je suis une Girondine dans l’âme qui pense que c’est la réalité du terrain qui prévaut.
Certaines zones particulièrement fragiles – les falaises d’Étretat, les calanques de Cassis – subissent le surtourisme. Ne serait-il pas raisonnable de fermer certains sites pour les sauver ?
Je ne crois pas en la solution systématique de l’interdiction. En revanche, dans certains lieux, nous devons réguler. Il existe des leviers pour cela : à Porquerolles, par exemple, l’accès par bateau permet de limiter à 6 000 le nombre de visiteurs par jour. Une autre solution est de valoriser les alternatives à proximité d’un site remarquable ou une autre activité susceptible de plaire tout autant aux touristes. C’est pourquoi nous développons des offres complémentaires comme l’œnotourisme, le tourisme de patrimoine, le tourisme bien-être, etc. Cela permet de mieux répartir les flux sur le territoire, mais aussi les retombées économiques, pour que le tourisme profite à tous.
« Je suis candidate aux élections municipales qui auront lieu en mars 2026 »
Inflation, hausse du carburant, baisse du pouvoir d’achat : les vacances des Français sont-elles impactées ?
40 % de Français ne partent pas en vacances et, si ce chiffre est globalement stable chaque année, je ne m’en satisfais pas et je souhaite le faire reculer. On sait que les enfants qui ne partent pas ont moins l’opportunité de s’épanouir, de se construire et, malheureusement, sont plus vulnérables psychologiquement. Le vrai défi, c’est donc de les exposer, comme l’on dit, « au bleu, au blanc ou au vert ». C’est ce que nous faisons, par exemple, via l’Agence nationale des chèques vacances, à travers le déploiement de plusieurs dispositifs solidaires qui permettent à des acteurs du tourisme social de proposer chaque année à 40 000 jeunes de partir. Quant aux Français qui prennent des vacances, on retrouve un effet JO : 30 % déclarent vouloir venir à Paris pour redécouvrir les lieux vus à la télévision lors des épreuves et cérémonies de l’été dernier. Plus généralement 75 % de ceux qui partent expriment leur préférence de rester en France cet été.
Vous confirmez que vous êtes candidate aux municipales à Bordeaux ?
Oui. Je suis candidate aux élections municipales qui auront lieu en mars 2026. Si je suis la présidente nationale du Parti radical (centre droit), je ne demande pour autant pas d’investiture nationale : je considère que ce sont les soutiens locaux qui doivent exprimer leur choix, ce qui est le cas puisque je bénéficie du soutien des LR, du Modem, d’Horizons, de l’UDI, d’Alliance centriste et de nombreuses personnalités de la société civile.
Renaissance ne vous soutient pas ?
Thomas Cazenave, l’ancien ministre des Comptes publics, est candidat sous l’étiquette Renaissance. Je suis déjà la candidate d’une large union mais je multiplie les contacts avec Renaissance pour tenter de trouver les conditions d’une union plus élargie, sincère, pour donner une nouvelle ambition à Bordeaux !
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